Portes de la citadelle

De grandes grilles métalliques barrent l'entrée de la citadelle. Peintes en blanc et étincelantes sous le soleil, elles dessinent des arabesques compliqués et dangereusement tranchants à leur extrémité.
Un proverbe local dit ceci "Celui qui franchit les portes du palais choisit sa propre mort" et signifie qu'il est vain de se voiler la face lorsque l'on se lance dans des actions suicidaires...

Personne n'avait idée d'à quel point on pouvait gâcher ses talents.

La joue droite de la jeune femme commençait à prendre une légère couleur bleuâtre. Rien de grave, rien que le maquillage ne pouvait pas cacher mais il s'agissait tout de même d'une douloureuse meurtrissure.

Comment ces barbares idiots de Hindell avaient-ils osé porter la main sur elle ? Elle qui apportait des nouvelles d'Aliagan, des ordres donnés directement par le régent.

Si elle n'avait pas reçu son éducation, Rowane aurait été folle de rage, mais son beau visage tuméfié resta impassible lorsqu'elle passa devant les gardes. Ils la regardèrent comme si elle n'était qu'une poussière que l'on pouvait balayer d'un revers de main. Elle qui avait tant d'ambition, elle n'était rien ! Elle se vengerait de tous ces idiots, un jour, lorsqu'ils ne s'y attendront pas.

Enfin le résultat était là et tout le monde était content, sa mission était accomplie, à la perfection, comme d'habitude.

°S'il me voyait, il rirait bien de mes malheurs. J'aurais dû prendre sa place lorsque j'en ai eu l'occasion.° Et des occasions de prendre la place de son ambassadeur d'ex-amant, elle en avait eu, mais elle restait trop bien pour s'abaisser à ce niveau.

Un peu plus apaisée mais surtout plus parfumée, Rowane se dirigea de son pas le plus autoritaire dans le palais.

Les gardes la connaissaient et ne lui posaient plus aucun problème. Ces portes, elle les avait peut-être franchies une centaine de fois, plus rien ici ne l'impresionnait.

Les bouteilles de parfum qu'elle avait acheté n'étaient pas très encombrantes, elle les avait enfermées dans sa bourse.

°Finalement, c'est un cadeau bien plus qu'utile.°

Rien ne l'appelait réellement au palais, mais le régent pourrait toujours avoir besoin d'elle. qui savait ?

Une fois de plus, la messagère, devenue entre temps ambassadrice de son royaume, passa entre les belles portes de la citadelle.

La tête haute, elle se dirigea vers les portes de la ville.

°Il m'a bien dit d'y aller dès que je serais prête. °

Kâhak se rendit aux portes de la citadelle, et plus précisément au corps de garde de cette dernière. Là il rencontra le chef de la garde de la citadelle, auquel il expliqua longuement la situation. Ce dernier était près à coopérer afin que la réception du roi d’Hindell se passe dans les meilleures conditions. La garde de la ville allait être mise également au courant pour que rien ne vienne perturber le quotidien de cette ville ni la réception qu’il devait organiser. Kâhak était inquiet, il se demandait quelles surprises lui réserverait le roi d’Hindell à son arrivé. Kâhak prit congé du chef de la garde, il devait encore préparer la salle de réception.

Ne voulant pas se rendre dans la citadelle si le duc n'y était pas, Rowane interrogea un des gardes.Il lui apprit que Kâhak était venu voir le chef de la garde, puis était reparti.
Même si ce brave homme n'osait pas lui demander pourquoi elle s'inquiétait de l'endroit où se trouvait leur seigneur, la messagère savait bien que cette question lui brûlait les lèvres. N'ayant aucune envie de traîner trop longtemps devant les portes, elle lui répondit simplement que s'il voulait connaître la vérité, il n'avait qu'à aller voir chez les Hindells. Il prit cela pour une insulte, même si ce n'en était pas une.

°Les hommes sont étranges parfois.°

Sans perdre plus de temps, elle traversa les portes avant de disparaître dans un couloir.

Arriver aux portes de la citadelle, Kâhak et Rowane se dirigèrent vers l’entrée du corps de garde. Le régent chercha du regard le chef de la garde, puis ne le trouvant pas le fit appeler. Ce dernier arriva rapidement et salua Rowane et Kâhak. Kâhak commença a lui donné ces nouvelles instructions.

Ne sachant pas quand le roi d’Hindell va arriver, vous devez être toujours prêt a faire ce que je vous ai dis plutôt. De plus, il compte venir avec une troupe, et il est évident qu’il est hors de question qu’elle n’entre dans la citadelle elle-même. Aussi elle devra rester dans la cour. Veillez à poster vos hommes correctement pour contenir tous débordement, peut importe qu’il faille en tuer pour cela, Aliagan ne doit pas sombrer dans le chaos lors de cette entrevue.

Le chef de la garde acquiesça.

Faites également prévenir les frontaliers et les gardes de la ville, leurs renforts vous seront sûrement utile. La chevalerie d’Aliagan sera présente dans le palais et veillera à sa sécurité. Pensez également a nous faire prévenir moi et Mademoiselle Oropher lorsque le roi Draggan sera en vue de la ville.

Le chef de la garde salua Rowane puis Kâhak et prit congé. Kâhak se tourna vers Rowane.

Je pense que d’ici là nous pouvons vaquer à nos occupations.

Silencieuse, Rowane suivit son seigneur jusqu'à l'entrée du corps de garde. Lorsquel le chef de la garde les salua, elle fit de même. Elle inclina la tête assea bas pour montrer que le destin du soldat ne lui était pas indifférent mais la garda tout de même assez haute pour souligner qu'elle n'était pas personne.

°Allons donc, notre régent est prudent. Laisser entrer ces soldats hindells dans la citadelle aurait été signer notre arrêt de mort. Mais, si j'avais été à la tête du royaume, j'aurais interdit qu'ils osent poser le pied à Arvensis. Ils risquent de faire peur à la population... quoiqu'en y pensant bien, le contraire est bien plus probable.°

Oui, je ne pense que vous avez pris toutes les bonnes décisions. Allons donc nous occuper d'autre chose.

Si notre… Kâhak marqua une pause et insista sur le mot "Invité"veut négocier quoi que ce soit de marchand, vivres, matières premières ou autre chose, je pense qu’il nous faudrait avoir l’avis des marchands…

Kâhak marqua une pause pour chercher dans ces souvenirs puis finit par dire.

Il me semble que celui qui jusqu'à maintenant représentait les marchants du royaume est un parfumeur… Peut être est-ce même celui chez qui vous avez obtenu ce parfum qui vous va si bien. Il se nomme Erathor.

Kâhak laissa planer ses dernières paroles, attendant une réaction de la part de Rowane.

° Notre invité, quel beau terme pour qualifier ce roi qui s'imagine qu'il va entrer ici en conquérant. Il ne faudra en aucun cas que nous oublions de lui rappeler qu'ici, il n'est rien d'autre que notre hôte. Aliagan n'appartient à personne d'autre qu'aux Aliagans !°

Je pense tout comme vous qu'il est essentiel de consuler nos marchands. S'ils se sentent écartés de ces transactions, ils pourraient faire preuve de leur mécontentement d'une façon... brutale.

Comme son régent, l'ambassadrice temporaire laissa un long silence.

Je ne sais pas si cet Erathor est réellement le représentant officiel des marchands de notre royaume. Mais il faudrait n'avoir aucun sens de l'odorat pour ne pas remarquer qu'il maîtrise à la perfection son art. S'il est aussi bon négoçiant que parfumeur, il sera parfait

°Il est vrai que la situation à peu être changée depuis...°

Envoyons lui un messager lorsque le roi Draggan sera arrivé pour qu’il vienne. Nous aurons le temps de lui préparer le terrain…

Kâhak esquissa un sourire. C’est alors qu’au loin retentit.

Digne Kâhak j'aimerai te voir , dis à tes nobles gardes que je n'ai rien de dangereux si ce n'est mon humour de mage.

Kâhak se mit en marche pour la cour du Palais. Se tournant vers Rowane il lui dit.

Je crois qu’un invité surprise viens d’arriver.

Oui, envoyez-lui un message, il ne manquera sûrement pas une telle occasion de faire connaître ses produits.

Rowane entendit aussi bien que son régent l'annonce du mage.

Ce sont les aléas de la vie de cour mon régent. C'est au moment où on a le moins besoin d'eux que certains invités... s'invitent. Je crois reconnaître la voix du roi de Phaëris.

°LEM, Loi de l'Emmerdement Maximum. Il fallait que Draggan se décide à venir pour que le roi de Phaëris vienne. Enfin, il peut aussi s'agir d'une autre personne, même si j'en doute fortement.°

Cette visite impromptue n'était pas de très bonne augure.

°Il suffira de vite renvoyer cet intrus avant que Draggan ne tombe nez à nez avec lui.°

Kâhak et Rowane arrivèrent à la porte de la citadelle, cette dernière était ouverte et n’attendais plus que les « invités ». Les gardes étaient en place comme Kâhak l’avait ordonné, tout se passerait sans accros…

Alors, très chère, heureuse qu’arrive enfin cet invité tant attendu… depuis quelques heures ?

Kâhak sourit, comme si ses propres propos l’amusait.

Lorsque le duc et l'ambassadrice s'arrêtèrent devant la porte, l'état d'excitation de Rowane était presque palpable. Si elle n'avait pas suivi les enseignement très rudes de son père, elle se serait mise à sautiller sur place comme une enfant sur le point de recevoir son cadeau d'anniversaire.

°Oui, c'est comme un cadeau d'anniversaire. Sauf que je ne sais pas ce que la belle boîte me réserve.°

Elle ne put tout de même pas masquer son sourire lorsque Kâhak l'interrogea.

Mon régent, rien ne pourrait me rendre plus heureuse que de servir le grand royaume d'Aliagan.

Hasam avait dans l’idée de demander une audience au jeune Roi, sans que Vâhak ne soit présent. Le régent était un homme à poigne, le genre d’homme qu’il aurait put devenir s’il avait été lui aussi borné et incompétent, aimait-il à penser, mais il devait l'écarter. Il éprouvait une sorte de sympathie bienveillante à l’égard de celui qui tirait les ficelles du pouvoir, mais cela ne lui empêchait pas d’avoir comme ambition première de prendre sa place. Il ressassait cette idée lorsqu’il aperçut Kâhak, accompagné d’une jeune femme qui lui était inconnu.

(((Tiens tiens… Quand on parle du louveteau…)))

Alors qu’il n’était plus qu’à une poignée de pas, les yeux fixés sur celle dont il ignorait le nom, un museau pointu et velu émergea des replis de ses robes de velours blanc bordé d’or, le nez rose en avant. De petits yeux noirs sans pupille se fixèrent sur Rowanne tandis que le rongeur se figeait. La fourrure de l’animal luisait d’un blanc pur dans la lumière environnante.

Derrière lui, comme à l’accoutumé, Damu le suivait. C’était un formidable molosse d’une bonne quarantaine de kilos, un animal à la mâchoire surdimensionnée, taillé pour le combat, dressé à lâcher prise uniquement si son Maitre l’ordonnait.

Après s’être raclé la gorge pour manifester sa présence, Hasam se fendit d’une merveilleuse révérence, bien plus longue et théâtrale que nécessaire. Son étrange sourire illumina son visage entier alors qu’il demeurait immobile, observant le régent et Rowanne, tour à tour.

Le rongeur, encouragé par l’absence de mouvements, se coula jusqu’à l’épaule d’Hasam, cheminant avec prudence sur ses robes. Des hanches fines suivies par une queue glabre et lisse. Le corps seul mesurait une dizaine de centimètres ; il s’ornait d’une queue nue et écailleuse. Et de couilles grosses comme des noisettes.

« Mes hommages, Régent. Mademoiselle… Je vous salue. »

A sa voix, le rongeur se figea, son dos s’arrondissant en lordose. La croupe très fine, les épaules étroites. Le museau semblait plus court que celui d’une souris. Il avait de petite oreilles pour la taille de son crâne large, et fixait intensemment Rowanne.

Alors nous sommes deux…

Devant eux, la cité s’offrait. Fourmillante d’activité divers et variés, elle trônait derrière ses remparts, sans réel prétention de défense. Kâhak aimait voir toute cette activité depuis la citadelle, comme si la ville elle-même était en quelques sortes vivante. C’est alors qu’apparut Hasam, le mage du palais, il effectua une révérence devant Rowane et Kâhak, les saluant au passage.

°Te moquerais-tu de moi Hasam ?°

Kâhak prit la direction de la porte de la ville, c’est là que leurs invités attendaient, entraînant avec lui Rowane. Le seul regard auquel eut droit Hasam de la part de Kâhak fut un regard méprisant…

La messagère ne put contenir un infime sourire lorsque le régent lu fit part de son "bonheur" de servir Aliagan.

°Servir son pays corps et âme, n'est-ce pas la tâche qui devrait incomber à tous les Aliagans ?°

Surprise de voir le mage de la cour, la toute nouvelle ambassadrice ne put s'empêcher de remarquer son allure... pour le moins étrange. Sa révérence avait tout pour attirer les foudres du duc, elle était aussi insolente que cabotine.

°Bien sûr, il a les moyens de fanfaronner et de se payer notre tête...°

Bien qu'ayant une terrible envie d'imiter son régent, Rowane prit la peine, mais à contre coeur, de saluer Hasam. Ils n'étaient pas de la même classe sociale, elle se devait de lui montrer un minimum de respect.

°Pour faire bien.° Evidemment.

Le rat la mettait mal à l'aise, mais il aurait fallu être doué du même don que le roi de Phaëris pour s'en rendre compte. Pas un seul instant son visage n'exprima le dégoût qu'elle ressentait face à cet affreux animal. Une des fines mains blanches de la jeune femme se glissa vers son stylet, si la bête osait l'approcher, elle lui couperait la tête avant même qu'elle n'ait le temps de dire...

°Un rat ne peut pas dire ouf...°

Contournant avec soin le gros chien, Rowane suivit docilement son "cher " seigneur.

(((Par les crocs de dieu, Bonhomme !! Tu ne me salues pas ?!!)))

D’un mouvement d’une infinie lenteur, alors qu’il les suivait du regard, Hasam porta son index droit à son épaule pour caresser le petit rongeur. Il toucha une fourrure chaude, surprenante de douceur, de sécheresse. L’animal bougea. De minuscules griffes s’aggripèrent au bout du doigt tendu, et il se mit à le lécher. Il se rassit ensuite, éternua deux fois – un son infime, absurde – puis se frotta le museau et les moustaches à l’aide de ses pattes antérieurs.

Par pur plaisir, Hasam eut un instant l’idée de créer une illusion afin de s’amuser un peu avec les parasites qui avaient à peine daigné le saluer, mais il renonça et poussa un long soupire, aussi dramatique que la complainte d’une mère en deuil.

« Dieu vous vérole ! » Susurra-t-il entre ses dents, avant de faire volte face. Visiblement, Kâhak serait absent pour un moment. Il n’aurait donc pas à se justifier devant lui, et pourrait s’entretenir à sa guise avec sa jeune Majesté…

D’un mot de pouvoir inintelligible, il révoqua le rongeur – une illusion, qui paraissait aussi réelle que le vent qui vous fouette le visage, certains matins. L’animal disparut dans un étrange scintillement, avant de se volatiliser dans quelques volutes de fumées grisâtres. Ni une ni deux, Hasam reprit sa marche, afin de rejoindre la salle du trône.

D'un pas rapide, la jeune ambassadrice passa les portes de la citadelle.

°Combien de fois suis-je passée par ici de mauvaise humeur ? °

Elle se souvint de son récent voyage à Hindell et du coup qu'elle avait reçu.

°Ha, cette fois-ci, il faudra me montrer un peu plus de respect ! Désormais, je ne suis plus une petite messagère. Je suis l'ambassadrice de tout un peuple. Je suis la bouche par laquelle tous les Aliagans s'expriment. Je rendrai mes compatriotes fiers de moi.°

Maintenant qu'elle avait obtenu le poste qu'elle convoitait depuis un certain temps, Rowane avait comme nouveau but de devenir LA plus grande ambassadrice qu'ait jamais connu le royaume marchand.

°Un jour, des jeunes ambitieux viendront me demander des conseils afin de devenir à leur tour ambassadeur... Il faudra que je me maintienne toujours en forme et faire plus que jamais attention à ce que je bois et mange.°

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