Les appartements du régent

Kâhak entra dans les appartements réservés au régent, ceux que son père avait avant lui occupé. Il y était déjà venu étant enfant, puis plus grand. Il connaissait ces pièces par cœur, et il avait prit l’habitude de mémoriser chaque détail, l’emplacement exacte de chaque chose. Le salon était sobrement décoré, les deux portes au fond était close et ne comportait aucune fioriture. Une commode prenait place sur le mur de gauche en dessous d’un grand miroir qui donnait l’impression d’une pièce plus grande, sur cette commode, deux chandeliers dont les bougies avait de nombreuse fois servit. Au milieu une table, sur laquelle Kâhak faisait à peu près tout, recouvert d’une nappe de tissus vert, comme d’ailleurs la commode qui avait deux napperons, un sous chaque chandelier. Le vert était la couleur dominante dans le salon, les deux fenêtres sur le mur de droite laissait entré la lumière et offrait de magnifique coucher de soleil. Entre les deux fenêtre trônait un piédestal en bois avec sous le plateau un petit tiroir. Sur le plateau se trouvait un étrange objet en bois ressemblant a une vasque de petite taille, et en son centre une excroissance de pierre taillé remontant vers le haut et comportant un petit trou en son centre. Le reste de l’objet était à moitié plein d’une poussière grise, dans laquelle se dessinait d’étranges motifs. Sur la table se trouvaient quelques parchemins éparpillés, un encrier et une plume. Kâhak retira la cape que lui avait offert Hindell, et la jeta sur le dossier de l’une des chaises autour de la table.

Les capes n’ont jamais été mon truc…

Kâhak s’assit en face des parchemins et en prit un il le parcourut des yeux.

L’ébauche d’un projet de loi… Enfin… Je m’en occuperai demain…

Kâhak reposa le parchemin et observa par la fenêtre, le soleil ne se coucherai pas avant au moins une heure.

Peut être que Rowane viendra d’ici là, peut être que pas.

Kâhak resta à observer par la fenêtre perdu dans ces pensées.

Un peu tendue, l'ambassadrice de secours frappa à la porte de l'appartement.

Elle chassa d'un revers de la main une longue mèche de cheveux blonds qui lui tombait devant les yeux. Elle n'était pas au meilleur de sa forme, ni au meilleur de sa beauté qui pour dire la vérité n'aurait rien d'extraordinaire si ses yeux n'avaient pas été aussi noirs.

Se rappelant qu'il lui restait encore deux flacons de parfum, elle s'en mis en peu sur les poignets et le cou.

°J'aurais dû passer chez moi avant de me présenter comme une pauvresse au régent.°

L'hématome qui avait bleui sa peau avait finalement disparu. C'était déjà là un beau point positif d'avoir eu le sang qui avait circulé si vite durant la visite éclair de Draggan.

Kâhak fut sortit de ses pensées par quelqu’un qui frappa à la porte.

Rowane ou quelqu’un d’autre ?...

Kâhak se leva et se dirigea vers la porte. Lorsqu’il prit la poigné il fut parcourut d’un frisson, il tourna la poigné et ouvrit la porte. Il se retrouva face à Rowane. Kâhak ne pu retenir un sourire, il s’écarta de devant la porte et l’invita d’un geste à entrer.

Je ne pensais pas que vous viendriez si tôt, j’en suis heureux.

Kâhak jeta un coup d’œil dans le couloir un domestique attendait, il n’était là que pour une raison, et Kâhak lui fit un petit signe.

Prendrez vous votre repas avec moi ou bien avez-vous prévue autre chose ?

Aussi raide qu'un piquet de patûre, Rowane entra chez son seigneur. Il lui avait souri, c'était bon signe, il n'allait pas passer son temps à lui faire de remontrances. Elle n'avait pas besoin de ça.

Elle jeta un coup d'oeil circulaire. Il y avait beaucoup de parchemins, en désordre.

Contente de voir que votre proposition de me rendre dans vos quartiers n'avait pas été lancée par pure politesse.

Elle chercha un endroit où s'assoir, mais n'osant pas le faire sans qu'elle y soit invitée, elle resta bêtement debout, face au duc.

De quoi vouliez-vous me parler ?

Sa voix douce avait toute les plus parfaites intonations du respect, mais cela ne l'empêchait pas d'être impatiente d'apprendre les réelles motivations de cette invitation.

Lorsqu'il lui proposa de se restaurer, elle aurait voulu lui répondre que ça aurait été avec joie... mais jamais elle ne mangeait quelque chose qu'elle n'avait pas elle même cuisiné ou vu cuisiner lorsqu'elle se trouvait dans un palais. La méfiance était une seconde nature chez elle. A la limite, elle acceptait de consommer quelque chose si une personne de rang important se servait dans le même plat qu'elle.

Je n'ai rien de prévu, mon seigneur, mais je préférerais ne pas me nourrir.

Elle aurait voulu le secouer pour lui demander ce qu'il voulait réellement, mais ce n'était pas très correcte.

A votre aise.

Kâhak fit un signe au domestique qui s’en retourna là où il devait. Kâhak referma la porte puis se tourna vers Rowane, cette dernière restait debout. Kâhak se dirigea vers la table rassembla les parchemins éparpiller en un tas, il posa dessus l’encrier et la plume. Il prit le total et alla le mettre dans le premier tiroir de la commode.

Je vous demande juste une minute…

Kâhak prit la cape d’Hindell, se dirigea vers la porte de gauche au fond de la pièce, il l’ouvrit, laissant entre voir sa chambre. Un lit en plein milieu, une armoire sur le mur de droite et une étagère au dessus de la tête de lit sur laquelle se trouvaient plusieurs fioles de divers couleurs. Il jeta négligemment la cape sur son lit puis referma la porte.

Je n’ai pas vraiment prit le temps de tout mettre en ordre avant votre arrivé.

Kâhak se dirigea ensuite vers la porte de droite. Il l’ouvrit, la lumière semblait être plus intense dans cette pièce. Une grande fenêtre prenais la quasi-totalité du mur, de chaque coté de cette dernière sur le mur se trouvais deux candélabres sur le mur mitoyen à la chambre se trouvais un canapé et deux fauteuils autour d’une petite table basse. Une cheminée prenait place sur le mur du fond et sur le dessus de la cheminée un objet similaire à celui dans le premier salon trônait. Un petit buffet se trouvait sur le mur à coté de la porte. Et un grand miroir se trouvait au dessus du canapé face à la fenêtre. Se tournant vers Rowane il dit.

Vous souhaitez peut être vous installer de manière confortable ?

Bien évidemment qu'elle allait faire à son aise. Après tout, il lui laissait le choix. S'il avait voulu la forcer à se nourrir, il ne lui aurait pas demandé son avis. Et s'il avait réellement faim, il aurait pu manger.

La jeune femme lança un regard au domestique, il avait été mandé tout spécialement pour ça. C'était forcément louche. Pas qu'elle n'avait aucune confiance en le régent, maispresque. Elle ne faisait entièrement confiance qu'à elle-même et encore, elle se trompait souvent.

Prenez tout votre temps, mon seigneur.

°Après tout, nous n'avons rien d'autre à faire de nos journée. Se faire insulter, parasiter par des rois étrangers, ranger nos chambres... Quelle vie fascinante.°

Malgré tout, elle suivit le rangement avec soin. Elle nota dans un coin de sa mémoire les endroits où se rangeaient les différents objets, la disposition des meubles. On ne savait jamais, si un jour il lui demandait d'aller chercher quelque chose dans ses appartements, elle ne chercherait pas des heures durant.

°Jolie chambre, même si elle est un peu trop spartiate à mon goût.°

Cela n'a que peu d'importance, la plupart des hommes de pouvoirs n'ont pas le temps de s'organiser en ce qui concerne e ménage.

°Mon amabassadeur laissait toujours traîner ses chaussettes.°

Elle remarqua l'étrange objet, mais ne sembla pas y faire plus attention que ça. Elle ne savait pas ce que c'était et pour dire vrai ne s'en préoccupait que très peu. Le régent avait le dorit d'avoir des objets étranges dans ses appartements.

Si cela est possible, je préférerais m'assoir. Ce serait aimable à vous, mon seigneur.

Ni ses pieds, ni son épaule ne la faisaient souffrir mais elle se sentait affreusement lasse de cette journée qui ne semblait pas vouloir se terminer.

De quoi vouliez-vous me parler ?

Elle posa exactement la même question. Elle voulait qu'il se rende compte qu'elle tenait particulièrement à ce qu'il lui explique son envie soudaine de la voir ici plutôt que dans une salle de réunion.

Instinctivement, sa main se porta là où se trouvait son stylet. Elle n'aimait pas se sentir piégée en terrain ennemi.

A la question de Rowane, Kâhak se tourna vers elle. Il s’arrêta un instant pour lui répondre.

Je ne me souviens pas vous avoir dis que je voulais particulièrement vous parler de quelque chose…

Kâhak se dirigea vers le petit buffet et en sortit une petite boite en bois. Il sortit de cette dernière un petit bâtonnet qui semblait être fait de bois, ainsi qu’un appareil assez inattendu. Actionnant l’appareil proximité du bâtonnet, une étincelle jaillit de l’entrechoquement de deux partit du petit appareil et le bâtonnet s’enflamma. Il le laissa brûler quelque instant avant de souffler la flamme. Une fine fumée s’en échappait alors.

Mais si vous désirez parler de quelque chose, nous pourrions parler de votre futur poste d’Ambassadrice.

Traversant la pièce, il plaça le petit bâtonnet dans l’objet qui se trouvait sur la cheminée. La fumée dégageait une délicate odeur de fleur, comme celles du jardin du palais.

°Pourquoi me demander de venir si je n'avais rien d'autre à faire si ce n'est pas pour me parler ?°

Rowane se surprit à lever un sourcil dubitativement, mais se contenta de ne faire aucun remarque qui pourrait être mal interprétée. Elle n'avait pas besoin de se mettre à dos le régent qui jusqu'à présent avait été assez sympathique avec elle pour lui confier temporairement le poste d'ambassadrice.

Lorsque le dus commença à sortir ses petits instrument, elle ne fut que très moyennement surprise de le voir sortir un briquet. Certes, ce n'était pas un objet qui courrait les rues, mais après tout, il était régent d'Aliagan, le royaume où tout se trouve et s'achète. Elle suivit paisiblement chaque mouvement de Kâhak, son beau front blanc lisse, mais les mains à portées de son stylet.

Lorsque la fumée commença à monter de l'objet brûlé, l'ambassadrice temporaire se coula vers la fenêtre. Si jamais...

°Parler de mon futur poste d'ambassadrice ?°

Elle se surprit à avoir pitié de son ex-amant.

Mon seigneur, ce serait un immense honneur pour moi de servir mon pays en portant officiellement le titre d'ambassadrice, mais il me semble que quelqu'un porte déjà ce titre. Notre ambassadeur est-il en mission permanente à l'extérieur qu'il ne puisse tenir sa charge parmi nous à Arvensis ?

°Personnellement s'il m'advenait que je rentre chez moi et que je découvrais qu'une autre personne a pris mon poste, je ne m'en remettrais jamais. Je crois que j'irais m'exiler quelque part chez un ennemi où je pourrais être utile.°

Le bâtonnet sentait bon, mais elle avait très tôt appris qu'il fallait se méfier de ce qui semblait être beau et plaisant. C'est d'eux que viennent le plus de désagréments.

Kâhak se dirigea de nouveau vers le buffet. Il y rangea le petit coffret en bois puis en sortit une bouteille de vin et deux verres. Il écouta Rowane alors qu’il posait sur la table basse ce qu’il tenait. Puis s’asseyant sur le canapé.

Prenez place… Pour ce qui est de notre ambassadeur, nous sommes sans nouvelles de lui depuis un moment, nous ne savons pas ce qu’il est devenu et nos espions n’on pas réussit a mettre la main dessus… Il aurait disparu corps et âme. Ne pouvant rester sans Ambassadeur, il me faut en nommé un nouveau…

Kâhak rempli un verre de vin puis tenant la bouteille au dessus de l’autre et portant son regard dans celui de Rowane.

Du vin ?

Avec un lenteur plus que bien calculée, Rowane s'assit sur le canapé aux côtés du duc. Ni trop près, ni trop loin de l'homme, elle l'écouta avec attention. Ainsi donc l'ambassadeur n'avait pas donné de signe de vie. Elle ne put s'empêcher d'avoir un serrement au coeur. Non pas qu'elle l'aimait encore, loin de là, mais c'était comme si une longue page de sa vie avait été arrachée puis jetée au feu.

°Disparu... Nos espions ne sont pas idiots, s'il était quelque part, ils l'auraient trouvé. A moins qu'on me cache certaines choses.°

Elle eut soudainement envie d'aller voir qui avait été récemment poussé/jeté au fond du puits des jardins de la citadelle. Après tout, peut-être était-il là à pourrir avec d'autres cadavres.

Il était vrai qu'un royaume marchand comme Aliagan ne pouvait pas rester sans ambassadeur. Malgré ce qui s'était passé quelques heures auparavant, elle sentait qu'elle serait assez forte pour endosser cette responsabilité. Elle avait attendu ça toute sa vie, toute sa vie... Elle ne serait plus jamais cette petite messagère que tous méprisait comme on méprise un pigeon voyageur. Non, cette fois-ci, elle serait bien au-dessus de tout ça. Mais, même si elle ne voulait même pas se l'avouer à elle-même, avait-elle les nerfs pour supporter une telle charge ?

Elle ne cilla plus lorsque le duc porta son regard dans le sien. La bouteille avait l'air de contenir un vin plutôt bon. Devait-elle prendre un risque aussi inconsidéré que de boire après ce qui s'était passé ?

Volontiers.

Elle porta le verre au niveau de ses yeux noirs. Après tout, la mithridatisation ne lui servait pas à rien. Ingérer d'infimes quantités de poisons tous les jours aidait son organisme à ne pas être totalement empoisonné ou tout du moins à ralentir les effets du poison. Si poison il y avait dans cette boisson.

Une fois le verre plein, Kâhak déposa la bouteille sur la table basse. Il s’agissait d’un vin d’Aliagan, un des meilleurs, un de ceux que tout Vaelya s’arrachait prix d’or. Cette bouteille datait de bien avant la naissance même de Kâhak, une relique du passé qui se consumait à petit feu. Kâhak leva son verre au niveau de celui de Rowane.

Pour Aliagan.

Kâhak plongea son regard dans celui de la future Ambassadrice puis but une bonne gorgée de vin. Puis posa son verre sur la table. Le soleil se couchait à l’horizon offrant une lumière rougeoyante se reflétant dans la pièce par l’intermédiaire du miroir au dessus du canapé. L’ambiance créée était assez particulière. Kâhak observa le soleil se coucher quelques instants avant de reporté son regard sur Rowane se tournant légèrement vers elle.

Ma proposition vous intéresse t’elle ?

Le vin avait l'air des plus excellents. Ancien et plein d'arômes. Un véritable bijou. Dommage, elle n'allait pas en boire. Quel gâchis, cette simple bouteille devait valoir plus chère que sa propre vie sur le marché des assassins.

Pour Aliagan, qu'elle rayonne sur le monde éternellement.

Elle leva un peu plus haut son verre et fit semblant de boire. Elle porta le liquide à ses lèves qu'il toucha un peine avant de reposer le verre à côté de celui du régent.

La lumière du couché de soleil était des plus agréable à regarder et semblait réchauffer l'atmosphère de la pièce.

°Une véritable parodie de roman à l'eau de rose. Une déclaration au soleil couchant...°

Elle sourit intérieurement, l'image était plaisante, mais bien trop éloignée de la réalité d'Aliagan pour être viable.

Elle soutint sans difficulté le regard du duc. Elle ne se sentait pas en confiance, mais pas non plus véritablement menacée. Son visage pâle éclairé par la lumière rouge la faisait ressembler à une étrange apparition fantomatique.

En effet, votre propostion m'intéresse, mon seigneur. L'intérêt d'Aliagan est toute ma vie, je saurai me montrer digne d'une telle fonction.

Parfait.

Kâhak eut un sourire satisfait. Alors qu’il allait reprendre quelqu’un frappa à la porte.

Attendez-moi je reviens.

Kâhak se leva et se dirigea vers la porte qui donnait sur l’extérieur. Lorsqu’il l’ouvrit, il se retrouva nez à nez avec deux domestiques qui lui apportaient deux plats.

Veuillez poser cela dans le salon privé pour aujourd’hui je vous remercie.

Les deux domestiques s’exécutèrent sans dire un mot. Ils déposèrent les deux plats sous cloche sur la table basse puis saluèrent Rowane respectueusement et silencieusement avant d’en faire de même pour Kâhak et de se retirer. Kâhak referma la porte derrière lui puis revint dans le salon privé. Kâhak s’assit tranquillement sur le canapé hésita quelques instants devant les deux plat puis souleva l’une des cloches en argent. Découvrant un magnifique poulet rôti sur son lit de patate en sauce, Kâhak déposa la cloche en argent un peu plus loin l’air satisfait et victorieux.

Pour une fois que je trouve le bon plat du premier coup…

Vous êtes sure de ne rien vouloir manger ? demanda Kâhak en commençant à couper un morceau du poulet.

°Évidemment, que cela est parfait puisque cela nous arrange tous les deux. Enfin, bien plus moi que lui. C'est tout de même étrange, qu'après le fiasco d'aujourd'hui, je me retrouve ainsi promue. Je sens que des dents vont grincer.°

Elle rendit un pâle sourire à son régent. Bien évidemment,la joie qui l'avait envahie était largement supérieure à ce faible signe, mais elle n'était pas de celle à sauter au cou des personnes et les couvrant de baisers.

°Enfin, il m'est arrivé une ou deux fois de le faire, mais nous étions très... intimes.°

Lorsqu'on frappa à la porte, elle tourna la tête un instant du côté de la fenêtre. Son regard se porta alors sur les montagnes. Elle sentait que quelque chose bouillonnait là-bas. Elle ne savait pas quoi, mais une voix lui murmurait que si Aliagan voulait tirer son épingle du jeu, il fallait que ces conquérants se décident à reconnaître la toute puissance commerciale de son royaume.

Elle hocha de la tête lorsque le duc s'excusa, faisant tomber ses cheveux devant les yeux. Elle repoussa les lourdes mèches blondes en arrière d'un geste impatient de la main. Elle n'aimait pas se battre avec sa coiffure, de toute façon, c'est elle qui finirait par avoir raison.

Elle suivit son seigneur des yeux, puis examina les deux domestiques sans aucun mépris. Il n'y a pas de sots métiers et le leur était particulièrement éprouvant. De plus, s'attirer les foudres d'un domestique, c'est ruiner sa réputation à tout jamais. Avec le respect tout le respect dû à leur rang et tout aussi silencieusement, Rowane rendit leur salut aux deux petites mains.

°Ainsi donc voilà la cavalerie armée de deux plats... Kâhak va-t-il avoir de la compagnie pour manger ? Si oui, ce ne sera pas la mienne. Je veux bien rester, rien ne m'attend à l'extérieur de la citadelle, mais je n'avalerai rien ici.°

Elle ne dit rien lorsque le régent souleva la cloche d'un des plats. Il avait l'air heureux. Grand bien lui fasse. La nourriture avait aussi cet effet là sur son ambassadeur. Le poulet avait l'air des plus exquis.

°Il est intéressant de voir ce que les gens aiment à manger.°

Elle, elle ne mangeait que lorsqu'elle avait réellement faim et juste assez pour maintenir un semblant d'équilibre dans son organisme, mais pas plus non plus. Pour faire plaisir à un roi, elle avait déjà englouti des quantités astronomiques de choucroute, mais l'avait regetté les deux mois suivants.

J'en suis certaine. Je vous souhaite un bon appétit.

°Tu peux déguster tes deux plats en paix, mon seigneur. Ta question est bien inutile. Je ne le désire pas. J'avais cru que tu m'avais compris. °

Elle se déplaça un peu sur le canapé pour s'approcher un peu plus du régent. Sans un mot, elle lui prit le couteau des mains. Elle planta la lame au milieu de la poitrine de la pauvre créature cuisinée, puis la fit glisser pour la séparer en deux. Elle incisa avec une précision alarmante la peau et la chair. C'était un jeu d'enfant pour elle.

Ce couteau se laisse manipuler avec une très grande facilité. Ce doit être d'une simplicité rare de trancher une gorge avec ça.

Elle n'avait pas besoin de passer un doigt sur le tranchant de la lame pour prouver ses dires. Le poulet parlait très bien pour elle.

Les cuisiniers portent des armes presque aussi redoutables que mon stylet.

Elle sourit au régent. Elle ne voulait pas l'impresionner vainement, juste lui montrer qu'elle savait se montrer... ferme lorsqu'il fallait.

Elle rendit le couteau à celui dont il avait quitté les mains quelques minutes auparavant, puis revint à sa place initiale.

La petite démonstration de découpage que lui avait faites Rowane amusa le régent, comme si cette dernière voulait lui faire passé un message… Et ces deux remarques étaient loin d’être innocentes.

Je connais des dagues bien plus aisées encore à manier, et pour ce qui est de couper une gorge oui en effet ce couteau pourrait très bien faire l’affaire.

Kâhak se recoupa un morceau de poulet. Il déposa le couteau à côté de ce dernier.

Bon nombre de personnes se retrouvent avec entre les mains des objets qui pourrait être de redoutables armes… Et tous font parti du bas peuple, certain font partie de la noblesse mais très peu…

Kâhak enchaînait les morceaux de poulet les un après les autres, entre couper de petite gorgée de vin.

Avec votre stylet vous avez l’avantage de la surprise, et en combat rapprocher, mais des que la distance grandi et que la surprise s’estompe. Je pense qu’il ne vous serai pas d’un grande utilité.

Mise de bonne humeur par la découpe du poulet, qui avait permis de calmer un peu ses nerfs, Rowane sourit à la première remarque du régent. Ceci, elle n'avait pas besoin qu'il lui dise pour le savoir.

S'il existe une bonne dague dans ce royaume, elle est forcément passée par les mains de mon père. Par contre, j'espère bien que vous n'aurez jamais le malheur de le rencontrer, mon seigneur.

Ce n'était un secret pour personne, aucun membre de la famille de Rowane n'avait jamais nié être un assassin. C'était une sorte de coutume familiale. La seule chose qui puisse tous les réunir. Son père était tout particulièrement fier de ce qu'il avait fait, mais "certains esprits bien pensants n'étaient pas de cet avis et avait décidé, il y a bien longtemps de mettre sa tête à prix". Cela l'avait bien fait rire, mais par mesure de précaution, plus personne ne l'avait vu en pleine journée. Même sa fille.

Elle sourit de plus belle lorsque le duc se mit à parler du peuple et des nobles.

Ayant vêcu et parmi le peuple et parmi les nobles, je peux vous assurer que les plus dangereux sont dans la seconde catégorie. Peu de gens du peuple ambitionnent de prendre votre place, mon seigneur, alors que les nobles... Si le peuple est armé c'est parce que notre noblesse le veut bien.

Décidemment, le régent avait bon appétit. En un sens ça avait quelque chose d'effrayant.

Je n'attends pas que la distance grandisse pour frapper, ni même que la surprise s'estompe. Les idiots seuls ne savent pas profiter d'une bonne occasion pour utiliser les armes qui leur sont donnés et laissent passer leur chance. Je ne suis pas de ceux-là.

Sans même le vouloir, les yeux de Rowane se posèrent sur le deuxième plat que le régent n'avait toujours pas découvert.

Kâhak sourit à la première phrase de Rowane. Il avait eut vent des exploits de son père et était heureux qu’il n’ait jamais eut à faire avec lui. Et oui, il savait que plusieurs personnes lui enviaient sa place. Et il savait aussi que peu de personne ne savait vraiment à quoi il jouait. Kâhak n’avait jamais vraiment montré d’animosité envers qui que ce soit, comme s’il cherchait à ne se faire que des amis, au pire a ne pas se faire d’ennemis…

Ayant fini le poulet Kâhak remis les os sur le plat avec la carcasse le referma puis rapprocha le deuxième. Il l’ouvrit et découvrit un plateau de fromage agrémenter de quelques fruits. Il repris sa discussion avec Rowane une fois ce dernier ouvert.

J'imagine bien que vous n’êtes pas de ceux là, ce que je voulais dire, c’est que si votre adversaire est suffisamment doué ou plus probable, à suffisamment de chance pour survivre jusque là vous aurez des problèmes à le vaincre. Chose que je ne vous souhaite pour rien au monde.

Kâhak prit un morceau de fromage qu’il mit sur une tranche de pain avant de porter le tout à sa bouche. Puis stoppant net, il fixa Rowane, son morceau de fromage dans la bouche…

Lorsque le régent découvrit le second plateau, Rowane ne put s'empêcher de se faire une remarque.

°Pourvu qu'il ne lui vienne pas l'idée de me parler trop près du nez, surtout s'il mange du fromage.°

Dans sa famille, on avait tué pour bien moins que ça. Elle se recula donc un peu et continua à observer avec calme le régent. Les fruits n'avaient pas l'air trop mauvais, mais elle n'y toucherait pas. Il était bien trop facile d'empoisonner le coeur d'un fruit. Certes, cela lui faisait noircir la chair, mais cela pouvait aussi passer pour un effet naturel d'une mauvaise conservation. De toute façon, l'ambassadrice n'avait aucune confiance en les aliments contenant naturellement du poison comme les pommes. Certes les pépins n'étaient pas hautement toxiques, mais ils renfermaient tout de même du cyanure.

Oui, ce que vous dites est vrai, mon seigneur. Mais si cela peut vous rassurer, je n'ai pas l'esprit assez belliqueux pour me battre contre quelqu'un que je saurai plus fort ou plus rapide que moi. Votre ambassadrice est bien trop réfléchie pour se plonger dans des situations inextricables sans y avoir bien pensé auparavant.

Avec grâce, mais peu de naturel, elle sourit au duc. Allait-il lui donner une mission ou se contendter de manger devant elle ?

Lorsqu'il la fixa, elle se redressa un peu plus.

Puis je faire quelque chose pour contenter mon seigneur ou dois-je le laisser à son dessert ?

Elle n'avait pas l'intention de s'éterniser dans les appartements du duc. Pas qu'elle avait autre chose à faire, mais on finirait par se poser des questions.

°Si je reste trop longtemps seule avec lui, quelqu'un va bien finir par croire que nous complotons contre ce pauvre petit roi qu'est le nôtre. Non pas que cela me déplairait, mais ce ne serait pas bien discret. Je n'ai aucunement l'intention de finir assassiner par un membre de ma famille.°

Puisque le duc gardait le silence, la jeune femme se décida finalement à quitter ses appartements après s'être inclinée très bas devant le régent de son royaume.

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