Appartements d'Alcynia

°Il veut vraiment ma mort? Me hait-il à ce point...°

Au bord de la syncope, Alcynia, qui n'avait jamais adhéré au précepte "Le ridicule ne tue pas" ne tenait pas à vérifier si un excès de mauvais goût lui serait fatal, aussi mit elle à point d'honneur à décliner l'offre d'Alcinoos.

Ne vous préoccupez pas de choses si futiles, alors que ce royaume a tant besoin de vous. Si d'aventures, je devais manquer d'habits, j'aurais encore le loisir de rentrer chez les miens. Sans vouloir vous offenser, je préfère me vêtir des parures d'Aliagan.
°Et au moins les chances sont moindres d'y trouver des guenilles froufroutantes...°

Vous préférez donc la folie à la sagesse? Prenez garde, le fou peut bâtir des chimères et les détruire en un instant sans y prendre garde.

Goguenarde, elle le taquina :
Ne venez-vous pas d'avouer que seule la folie pouvait inciter un homme à faire l'éloge de mes genoux?
Non pas que j'en sois fière, ou que je ne tienne pas en plus haute estime d'autres parties de mon anatomie, mais voilà qui indubitablement vous rabaisse à mes yeux.

Alcynia plongea ses yeux dans ceux du duc avant de lui répondre :
Alors vous mourrez et nul ne viendra vous sauvez, à moins peut-être que la magicienne de Meznyl que vous invoquez daigne vous prendre en pitié.

°Votre compagnie n'est pas si déplaisante, mais je préfére les hommes qui ne s'habillent pas en femmes, encore que je n'appelerais même pas cela "s'habiller en femme"...°

Peut-être cette amulette vous évitera-t-elle de vous faire changer en statue? suggéra Alcynia, qui désormais doutait réellement que la-dite amulette ait le moindre pouvoir, mais qui trouvait cruel de lui annoncer. Il n'avait pas tant besoin d'une protection contre la magie que d'un bouclier pour garder confiance en lui-même.

Elle arqua un sourcil, outrée, de voir qu'il lui offrait l'amulette puis se dérobait aussi tôt. Sentencieuse, elle répliqua :
Si vous me retrouvez changée en statue, peut-être vous souviendrez vous de jour où vous me refusâtes ce présent!

Elle lui tourna le dos, reprenant la fastidieuse montée des marches de l'escalier... Elle se serait volontiers téléportée, mais Alcinoos aurait alors eu du mal à la suivre...

Au bout d'une centaine de marches au moins, ils se retrouvèrent devant une banale porte de bois, qu'Alcynia ouvrit simplement, la porte n'étant apparemment vérouillée par aucun mécanisme.

Ne vous attendez pas forcément à la trouver, sa porte est toujours ouverte...

Une pièce ronde, où s'ouvrait trois autres portes, d'une sobriété excessive. Une table, une étagère et des chaises de bois, nulle fenêtre, une simple chandelle qui semblait ne jamais mourir. Le sol était nu, de planches sombres, les murs peints dans des tons d'ocre. Rien ne se dégageait de cette pièce, elle était la banalité même, impersonnelle.

Elle se tourna vers Alcinoos, plongeant les yeux dans les siens, un sourire ensorceleur aux lèvres.

Si vous permettez...

Et, sous prétexte de le soulager d'une partie de ses affaires, elle se rapprocha de lui, prometteuse plus que pressante, si près qu'elle aurait pu lui dérober un baiser sans avoir son accord...
Mais cette perspective ne lui plaisait guère...

La dame garde ses trésors à l'abri des regards.

Elle désigna les trois autres portes et déclara avec regret :

Ces portes là sont scellées par magie, et nul ne saurait les ouvrir sans connaître au moins les bases de la magie.

Il était également fort probable qu'effondrer la tour, réglerait le problème, mais peu poli d'en faire mention à un duc de Meznyl.

Mon nom? Ne soyez pas si impatient, vous ne tarderez plus guère à le connaître. Mais Inconnue me sied, car à dire vrai, vous ne me connaissez pas, répondit-elle d'un ton mielleux, un sourire carnassier aux lèvres.

Ne vous y méprenez pas, contrairement aux futiles tourterelles qui vous tournent autour, ma penderie ne saurait se tarir suffisamment vite pour que je me présentâsse nue devant un homme, par accident.

Elle rit de le voir vanter sa propre folie et répondit :
Pour vous peut-être! Mais mes chimères ont des ailes, des griffes et des crochets venimeux, et les suivre ne fait qu'aggraver les choses, et ensuite tout va de mal en pis, j'en ai malheureusement déjà fait les frais. Aussi peut-être la sagesse a-t-elle des voies plus sûres à m'offrir...
Mais rien n'indiquait que la magicienne soit disposée à suivre ses propres directives...

Une fois de plus, elle mit le doigt sur une contradiction dans les propos du duc :
Il faudra bien vous y faire, si vous voulez rencontrez Alcynia! Pensez-vous qu'elle vous épargnera, sa logique implacable, et ses cruels sortilèges, juste pour l'éclat de vos yeux?

°Cet homme est un paradoxe avec des bras et des jambes...°

Evitez de provoquer le destin. Peut-être n'avez-vous pas peur de la mort, mais il est peu prudent d'en rire si ouvertement.

Me faire du chantage sur votre mort à venir, ne vous fera rien obtenir de moi! Croyez-vous vraiment qu'à Aliagan, nous prenons en pitié ceux qui se targuent de leur mort future? rétorqua-t-elle, amusée.

Elle croisa les bras et maugréa :
Grand bien vous en fasse! Pour ma part, il me déplairait d'être statue, condamnée au silence, à ne pas voir les yeux ouverts, et à affronter le temps, d'une impassabilité de roc, s'émiettant d'années en années, aussi infimement que sûrement... Non voilà un sort qui ne me sied pas du tout, puisse Alcynia m'épargner dans ses cruels projets.

Bien qu'il refusa, le baiser qu'elle lui offrait presque, elle eut finalement la seule chose qu'elle désira de lui, son attention...
Il posa un doigt sur ses lèvres, et un instant, le regret se lut dans ses yeux verts.
°Vous ne savez pas où se trouvent les appartements d'Alcynia, quand bien même vous sortirez de cette pièce, vous serez incapable d'en retrouver le chemin...°
Et elle l'ensorcela, pour avoir eu le malheur de ne pas s'être méfié d'elle, pour ne pas avoir fui son regard d'émeraude, et car nul autre qu'elle et le hasard ne devaient connaître le chemin de ses appartements.

L'eut-elle embrassée qu'elle lui en aurait également fait perdre le souvenir. Sort en cela enviable à celui qui menaçait ses amants de Phaëris, qui en ces temps où elle ne connaissait pas la magie de Meznyl, n'auraient eu d'autre choix que de finir carbonisés, si elle eut décidé de se défaire de leur trop oppressante compagnie.

Elle hésita à lui faire oublier l'existence de la jeune femme d'Aliagan aux yeux verts qui l'avait conduit ici, mais il reprit la parole, et ses propos impromptus, qui l'eurent fait rire, si le doigt sur ses lèvres ne l'en eut empêché, achevèrent de l'en dissuader.

Elle ne maîtrisait pas aussi parfaitement la magie de Meznyl qu'elle l'aurait du, aussi les malheureuses victimes de ses sortilèges d'oublis, avaient-ils souvent de vagues sentiments de déja vu.
Mais lorsque l'un d'eux s'avisait de savoir si par hasard, il ne l'aurait pas déjà rencontré, elle niait, avec regret et complaisance, et achevait de semer le trouble dans leurs esprits.

Le voyant se jeter sur un pan de tissu et renverser le maigre mobilier que contenait la pièce, Alcynia se félicita intérieurement de ne pas entreposer les rares possessions auxquelles elle tenait vraiment dans cette pièce.

Arrêtez vous allez vous faire mal! Sans doute nous épie-t-elle mais je doute qu'elle se cache!

°Pourquoi ai-je conduit ce pitre dans mes appartements?°
Elle refusa de s'avouer à elle-même qu'il était de bien amusante compagnie.

Elle évita de proposer son aide à Alcinoos, bien que maladroit, peut-être lui restait-il assez de fierté pour ne pas désirer l'aide d'une femme dont il ignorait jusqu'à l'existence, le matin même.
Elle remit les meubles en ordre, et s'appuyant distraitement sur la table de bois, elle reprit son attitude placide et un sourire qu'il était rassurant de supposer bienveillant aux lèvres, elle déclara :

Assez joué, voulez-vous?
Je pense être mieux placée pour faire les présentations.
Je suis Alcynia d'Aliagan, magicienne de Meznyl. Et je vous assure que si vous évitez de détruire mes appartements, je tâcherai de m'en souvenir lorsque se présentera l'heure de vous changer en statue.
Mais avant que ce moment fatidique ne se présente, abordons donc des sujets plus réjouissants.
Comme tout finit toujours par se savoir en cette île, j'ai ouï dire que vous vouliez me parler?

Passant alternativement d'une ironie cruelle à une puérile espièglerie, les propos de la magicienne tranchaient atrocement avec son attitude qui se voulait rassurante et aimable.

Le silence qui accueillit ses propos fut aussitôt anéanti par un claquement de porte féroce, bien qu'aucun courant d'air ne se soit jamais infiltré par les interminables escaliers. Et rien sur le visage impassible de la magicienne, ne révélait qu'elle y soit pour quelque chose. Même si la magie de Phaëris avait été sienne en un temps, et l'air et le vent, deux de ses plus précieux alliés...

Interloquée de voir Alcinoos se jeter sur la porte, elle déclara :

Vous avez une curieuse façon de vous présenter...

Mais si l'excentricité du duc l'avait gêné tant que ça, elle n'aurait pas laissé passé les soixante-douze occasions qu'elle avait eu de le planter au milieu des escaliers, sans autre forme de procès, abandonné à la quête presque impossible de ses appartements.

C'est vrai que les statues ont beaucoup de mal à gravir des escaliers, railla la magicienne. Mais deux précautions valent mieux qu'une, n'est-ce pas?

Cette pièce n'a d'autre rôle que celui d'éloigner les curieux, et les ducs en tutus. Ma chambre n'a rien à voir avec cette pièce, si ce n'est une porte...

Elle rit mais d'un rire cruel et sans joie, qui laissait entendre qu'il n'y avait aucune chance qu'il en aperçoive ne serait-ce que le seuil.

J'avais eu vent de votre maladresse légendaire, aussi ne m'attendais-je pas à vous accueillir sans y perdre quelques meubles... Même si je ne pensais pas que vous me croyiez être d'air et de reflets.

D'un geste de la main agacé, elle balaya bien vite ces futilités autant de son esprit que de la conversation.
Elle ouvrit de grands yeux, intriguée malgré elle devant le curieux manège d'Alcinoos. Et le voir finalement se passer machinalement la main dans les cheveux, ne suffit à tarir complètement le flot de questions sans réponses qui déferlait dans son esprit.

Elle sourit en le voyant sortir des fleurs. La croyait-il vraiment de ces courtisanes insipides, que l'on achète avec des fleurs, des breloques, ou un sourire charmeur?
Sortant un vase d'argile peint d'un vert uniformen, de l'étagère qui par chance avait été épargné par les frasques du duc, elle disposa au mieux les fleurs.
°Je me souviens de ces fleurs... Plutôt jolies... Je suis sûre de les avoir déjà vu quelque part...°

C'est vous même qui me l'avez dit, avez-vous déjà oublié?

°Il prend tout au pied de la lettre ou il le fait exprès?...°

Ne perdez pas votre temps avec moi. Je ne suis pas sensible ni aux déclarations hypocrites, ni aux compliments désinvoltes, et je crois, sauf votre respect, connaître votre avis sur les sorcières, en long, en large et en travers...
Ses yeux verts étaient d'une froideur menaçante, mais le ton sa voix, enjoué et moqueur, trahissait qu'elle ne lui en tenait pas rigueur.

Alcinoos, je ne pense pas avoir besoin de vous pour me passer la pommade. Je vous serais gré de vous en abstenir, je me débrouille très bien moi-même pour vanter mes propres mérites.Aucun monarque à Meznyl ne m'inquiète guère, c'est là une information qui ne doit à aucun prix parvenir à des oreilles étrangères -un sourire ravageur lui monta aux lèvres, qu'était-elle sinon une étrangère par excellence? Où qu'elle aille, elle n'était à sa place, n'avait-elle pas eu le matin même, le désir de partir?- , et pousser l'un des vôtres sur le trône pourrait au pire régler la situation pour un temps.
Devenez esclave de mes yeux, et voilà que cet humble royaume sombrera dans le chaos...


Je m'étais laissé croire qu'elle avait disparu volontairement? J'ai donc fauté par naïveté, ne m'en portez pas rigueur, mais entre la rigide froideur de ce que y est, et le miel douceureux de ce qui pourrait être, j'ai préféré donné crédit à d'optimistes pensées, que de nous croire nous mêmes objets de fourberie.

La magicienne soupira.

Et n'oubliez pas, peut-être me craignez-vous, reprit-elle sans s'arrêter pour ne pas laisser à Alcinoos le temps de contester ce point ce qui ne les mènerait que dans de stériles débats interminables, mais la reine ne me craignait pas, elle se défiait de moi, non suffisamment, pour me croire prête à dérober son trône, mais suffisamment pour voir en moi, une magicienne de Phaëris, espionne d'Aliagan de surcroît. Et rien de cela ne me conduisait à être dans les petits papiers de notre noble reine. Et si testament elle laissa, elle prit soin de le tenir hors de ma vue.
Attitude louable de sa part, je ne mentirais pas en avouant que j'aurais été capable d'en modifier des lignes.

Rien dans ses yeux insondables n'accréditait ni ne discréditait ses propos. Car quand bien même lui eut-elle révélée quelques gênants secrets, elle avait encore le loisir de les lui faire oublier...

Je pense plutôt que la reine désirait s'assurer que je sois la dernière et non la première à poser la main sur cet ouvrage.

Des pièges mortelles? Nul doute que nous les déjoueront. La reine n'aurait point souhaité notre mort à tous en une si délicate occasion.
Montrez moi donc cette carte. Par contre il vous faudra avoir confiance en moi ne serait-ce que l'instant de retrouver le testament, ou vous me serez d'une aide bien dérisoire...

Je vois quelle importance revêt pour vous la stabilité de Meznyl, mais je ne saurais vous en faire reproche. J'ai moi-même parfois du mal à m'en soucier...
°Tandis que miroite au-delà des mers, la tour immaculée d'Aliagan, comme un joyau perdu sur ma couronne de cendres...°

Pardonnez-moi de n'avoir que peu de temps pour ces futilités. J'ai fui Laÿna pour la quiétude de Meznyl, je ne souhaite en rien me joindre à de bruyantes compagnies en des fêtes stupides...

°Ou si tel est le cas, je vous assure que nul ne gardera souvenir de ma venue...°

Alcinoos était supportable mais une horde de ses semblables était plus qu'elle ne voulait cotoyer. Même s'il était mystérieux, impressionant même, impuissante qu'était sa robe à ridiculiser complètement cet homme bien bâti. Elle se surprit à vouloir glisser les doigts dans ses cheveux de jais, sentir la douceur de sa peau sous ses doigts, plus juvénile que féminin, indéniablement, et tuer de ses lèvres ce sourire provocant, que ne pouvait éteindre la terreur mesurée que la magicienne lui inspirait.
Elle suspendit son geste aussitôt, comme si la pensée lui était juste parvenue à l'esprit et demanda, sur un ton presque enfantin :

C'est bizarre ces fleurs... Elles me rappellent quelquechose... Ce ne sont pas des Orchidea par hasard?

Et elle le jaugea du regard, accusatrice.

La magicienne lui adressa un sourire charmeur mais se défit de son étreinte. Elle n'était pas du genre à se jeter dans les bras du premier venu, ou du moins seulement lorsqu'elle avait déjà décidé qu'il aurait oublié jusqu'à son existence le lendemain venu. Mais ce n'était pas le cas du duc, il l'intriguait, trop prudent et trop insolent à la fois, son arrogance maniérée et mesurée l'agaçait, pas suffisamment pour qu'elle désirât se débarasser de lui, mais bien assez pour qu'ignorer purement et simplement sa présence soit tout bonnement impossible.
Mais le mystère était le voile qu'elle se plaisait à revêtir, et elle rechignait à s'en défaire, comme on s'emmitouffle dans un manteau pour lutter contre les rigueurs de l'hiver, elle préférait se laisser désirer plutôt que de se révéler.

Gardant faiblement ses distances, elle observa les orchidae plus pour éviter de regarder Alcinoos, que par réel intérêt.

Le compliment du duc la fit rougir, et elle secoua la tête en signe de dénégation comme si elle espérait sincèrement que ses cheveux d'un rouge encore plus vifs, suffisent à cacher ses traîtresses joues.

J'ai bien assez tendance à me mêler de ce qui ne me regarde pas, pour que les secrets perdus d'une reine de Meznyl m'intéresse, sans qu'il ne soit nécessaire de me les faire miroiter telle une carotte devant un âne.

Alcynia leva les yeux au plafond en voyant l'homme s'effondrer.

J'espère sincèrement que notre aventure sera de courte durée, ou vous risquez d'y récolter un millier de bosses.

Cette fois plutôt que de saisir la fleur, elle attrappa sa main et l'aida à se relever. Elle prit ensuite la fleur, en partie pour lui lâcher la main.

Vous êtes d'un théâtral, duc Alcinoos. Vous êtes un spectacle à vous tout seul.

Demain donc, lorsque les corbeaux au sombre plumage iront trouver refuge pour la nuit, noire étoffe qui enveloppe les êtres et les secrets, s'avançeront le duc Alcinoos et la magicienne Alcynia sous les yeux d'ambre d'un dragon de pierre, pour défaire la reine Azyalis de son ultime secret, enfermé dans les pages d'un testament perdu, prisonnier d'une chambre scellée par la magie...

Sur un ton guindé qui ne lui ressemblait pas, Alcynia déclamait leur histoire, brandissant la fleur écarlate comme on eut fait d'une lame étincelante.

Elle reprit son sérieux, la fleur toujours piégée entre ses doigts et répondit :
Je doute que vous me fassiez apprécié la compagnie de vos semblables. L'écho des bois d'Arvensis est le seul qui manque à mes oreilles, et je préfère le murmure des complots à l'ironie de vos piques.

La chaleur étouffante et rassurante du désert de Phaëris, et l'éclat de la lune se réverbérant dans l'eau glacial de la fontaine de ses jardins, où le murmure de l'eau ne se taisait jamais, lui manquaient également, la plongeant dans une cruelle mélancolie, mais elle préférait qu'il l'ignora.

Elle reposa d'un geste détaché la fleur dans le vase avec les autres et, indéchiffrable, observa le duc :
Ces fleurs ne me sont pas inconnues. Je me souviens à présent, il y en avait dans les jardins de Phaëris. Etrange fragrance... Je me laisserais même à dire qu'elle n'a nul autre pareil.

Elle était en train de découvrir le pot au rose littérallement. Quelle idée de vouloir séduire une dangereuse magicienne. Alcinoos appréciait les jeux risqués, mais pas lorsqu'il risquait de devenir une statue, et surtout qu'il ornerait alors un appartement au décors si dénudé et choquant pour un amoureux de tout ce qui est beau et brillant. Il est était temps de chercher à s'éclipser... le manque de vin commencait à se faire sentir aussi.

La jeune femme l'aida à se relever, elle le tenait par la main! Par le Grand Cthuthu! Elle l'avait touchée... de quel sort était il victime? Il voulait lâcher sa main, mais devant une telle douceur c'était difficile! Il était touché d'un sort...il aurait la peau bleu demain ou des boutons partout sur le corps! NOOOON! Pourquoi les sorcières étaient ils si cruelle et charmante tout à la fois... snif.

Son amulet il avait toujours son amulet...ouf... Il voulut la toucher pour se rassurer. Malédiction elle était tombé dans sa chute! Il était à sa merci donc! Il la chercha du regard tout en parlant.

-J'aime le théâtre aussi... la tragédie me fait pleurer comme un enfant, et le comique, les acteurs m'en veulent de leur voler le spectacle!

-Vous voyez vous êtes capable d'être épique et poétique à vos heures, vous devriez venir à une soirée de poésie que j'organise, vous seriez sublime! Nous irons dans la foret si c'est ce qu'il vous manque!

-Ne soyez pas trop prompt à souhaiter les complots! J'ai peine à me protéger de vos maléfiques, j'aurais bien de la difficulté à vous protéger...

Ou était cette diable d'Amulette... Aux pieds d'Alcynia. Elle avait mis un pied sur la chaine. Elle ne voulait pas qu'il la reprenne! La ruse était subtil et machiavélique. Il était temps de passer à sa stratégie favorite; la fuite.

Elle marcha vers les fleurs. Il recula lui vers la porte.

-Pensez à ses fleurs en souvenir de moi lorsque vous rêverez...! Mais n'envoyez pas de démon peuplez mes reves, épargner moi je vous en prie!! je tiens à un sommeil tranquille, sinon je suis abruti le lendemain... Mes honneurs dame Alcynia...nous nous reverrons demain comme convenus...

(tu peux m'empecher de sortir, mais ca serait bien aussi de conclure le rp... )

La magicienne sourit sans mots dire. Alcinoos l'attirait plus qu'elle n'aurait pu l'expliquer. Une part d'elle-même lui soufflait de ne pas se soucier de cet être sot et vain, qui lui offrait des compliments au rabais, dénués de sentiments. Que pouvait-elle attendre d'un être aussi superficiel sinon de cruelles brimades.
Résolue à ne pas entrer dans son jeu, elle ne pouvait pourtant pas en détacher le regard. Il l'attirait aussi aisément qu'une flamme un papillon, et savoir l'issue fatale ne l'en détournait pas.

Ne tremblez pas pour moi, je n'ai pas besoin que l'on me protège... Cela ne serait qu'une perte de temps...

Une lueur sauvage inextinguible, dans les yeux, elle le défiait de protester.
°Et si vous saviez à quel vitesse je détale...°

Dormez, duc Alcinoos, j'aurais bien assez à faire pour veiller sur vos jours demain soir, je ne veillerais pas sur vos nuits... rétorqua-t-elle en riant de son rire cruel.

Voyant qu'il s'avançait une fois de plus vers la porte, elle voulut l'en empêcher mais renonça aussitôt. Elle le salua simplement.

Elle ne voulait aucun pouvoir sur sa vie, elle voulait qu'il soit libre presque autant qu'elle désirait sa présence.
°Si tu pars maintenant, je ne pourrais m'empêcher de t'en vouloir...°

Mais la porte n'ayant jamais été verrouillée, elle le regarda s'engouffrer dans l'obscurité des couloirs, s'interdisant de penser que s'il l'avait trouvé verrouillé la première fois c'était une tromperie pour s'obliger à rester en sa compagnie...

Elle resta interdite un long moment, prisonnière de ces instants. Sûre que même s'il le voulait il ne reviendrait pas. Il ne repasserait pas la porte c'était impossible. Elle n'était pas si mauvaise magicienne...

Elle attrappa les fleurs, respira une dernière fois leur odeur. Indescriptible, tenace, acidulée, troublante à la fois, elle avait le parfum de ses années perdues à Phaëris, lorsqu'elle apprenait la magie et s'introduisait lentement dans le cercle fermé de leur cour. L'odeur du mystère, de l'inconnu, baignée de promesses, teintée de désir, mais porteuse de dangers. Alcinoos était à ses yeux, tout celà également.

Et ces fleurs troublaient les sens assurément. Pensez à ces fleurs en souvenir de moi!Cruelle offrande que celle d'un désir imposé. A ces cruels jeux, elle ne se prêtait guère.

Elle se saisit des fleurs, et de son autre main naquit une étincelle qui embrasa les orchidae qui ne furent plus que cendres.

Alcinoos n'était qu'un fat prétentieux, qui prétendait acheter les faveurs d'une magicienne par une grossière entourloupe. Mais désormais que s'évanouissaient les dernières fleurs dans un tourbillon de cendres, que l'odeur des fleurs n'était plus qu'un souvenir aussi diffus que ceux qu'elles lui rappelaient, elle sut qu'elle regrettait amèrement son départ. Elle éclata en sanglots et ramassa l'amulette, le seul souvenir de lui qu'il lui resta à présent, et bien qu'elle n'eut jamais porté de bijoux, n'y voyant aucun intérêt, elle la mit à son cou.

Et, une fois ses larmes essuyée dans la manche de sa robe déchirée, elle le maudit, pour avoir volé son coeur sans même le savoir. Et elle se maudit, pour s'être laisser nercée par de belles paroles qu'elle savait pertinemment fausses.
Elle ne dormit pas de la nuit, et appela de tous ses voeux de tous les démons, et tous les grands anciens qu'elle connaissait -en inventant d'autres au passage- pour qu'ils hantent les rêves d'Alcinoos, juste pour être certaine qu'à son réveil, il se souvienne encore, de la magicienne aux cheveux d'écarlate, à défaut du parcours pour la rejoindre...

Les heures s'égrenèrent lentement et trouvèrent Alcynia endormie sur la faible chaise de bois. Elle n'avait même pas pris la peine de rejoindre ses "vrais" appartements. Lorsqu'elle s'éveilla, le soleil commençait sa course descendante dans le ciel, bien qu'elle ne put le voir, étant donné l'absence de fenêtre de la pièce.

Elle se réveilla comme on émerge d'un songe, et retrouva à tâtons, où commencait le rêve, et où s'arrêtait la réalité.
Elle porta la main à son cou et y trouva l'amulette, et acheva de retrouver ses esprits.
Sans hâte aucune, elle se débarassa de sa robe, lui préférant un pantalon de toile grossière, et une chemise de lin, se recoiffa avec les doigts. Peu convaincue, elle soupira et entra dans sa chambre.
Un tapis tissé de fil rouge et or ornait le sol de pierre. Il rendait entre autres hommage au monarque de Phaëris, mais elle s'était arrangée pour que la gênante inscription se retrouve sous son lit. Et quand bien même on eut repéré son larçin, on eut sans doute fait don d'un tapis ouvragé à l'ancienne reine de Phaëris, d'aucuns ne s'expliquaient toujours pas que, vu la vitesse de son départ, elle ne se soit pas enfuie avec le contenu des coffres.

Dans un miroir usé, au tour de fer et de cuivre, un des rares biens qu'elle conserva de son enfance à Aliagan et à l'aide d'un peigne de nacre, elle se recoiffa normalement.

Elle balaya la pièce du regardn, les rayons du soleil la baignait langoureusement, drapant de lumière l'écarlate des draps défaits de son lit qu'elle n'avait cru bon de refaire. Dans une étagère de bois et s'amoncelaient des livres d'origine diverse, et sur son bureau trainaient toutes sortes d'objets étranges plus ou moins utiles, mais dont la vue aurait sans doute fait sourire Alcinoos. Et qui fit sourire Alcynia, mais de son sourire où rien n'est drôle d'autre que l'ironie du sort.

Elle referma la porte, répéta une fois de plus le sort qui la protégeait, et partit au point de rendez-vous.

Alcynia rentra dans ses appartements, Izyella sur ses talons.
Alcynia referma la première porte et ne s'attarda pas dans le vestibule, elle entra dans sa chambre, jeta l'horrible tenue d'Alcinoos sur son lit.

Au moins n'était-elle pas rose, c'était bien la seule chose que la tenue puisse avoir pour plaider en sa faveur.

Vous allez vraiment mettre ce truc, Dam'Alcynia? demanda Izyella.

Je n'en sais rien... ,répondit-elle dépitée à tel point que si elle avait encore été reine de Phaëris, elle aurait décrété une journée de deuil national.

Just'pour savoir si ca serait pour y faire plaisir au duc ou pour y casser les pieds...

°Les deux, je pense...°
Arrête tu me rappelles notre grande reine Azyalis...
C'était faux, autant que d'habitude, mais Izyella prenait la mouche à chaque fois qu'elle lui faisait une remarque de ce genre, et c'était un excellent moyen d'écarter ses insistantes questions.

Izyella se retira, allant bouder dans sa propre chambre, n'utilisant que deux des trois véritables pièces sur lesquelles débouchait le vestibule, Alcynia en avait depuis longtemps cédée une à Izyella.

Alcynia rassembla ses autres affaires dans un sac robuste qui avait déjà survécu à d'autres voyages, et y bourra des vêtements qui avaient le mérite d'être mettable même en pleine canicule, une veste plus chaude pour ne pas mourir de froid la nuit...
Ainsi que d'autres affaires qu'elle préférait emmener plutôt que de les laisser sans surveillance dans sa chambre...

Elle s'endormit toute habillée, profitant des quelques heures de sommeil que la nuit avait à lui offrir...

Quand vint l'aube, elle se changea, et après tout elle n'avait jamais promis de porter cette horreur, ni précisé à quelle occasion! Elle la mit sans ménagement dans son sac, et se trouva des habits plus confortables pour un voyage. Une longue robe ample écarlate avec des brodures argentées, elle revêtit par dessus une grande cape brune qui la recouvrait presque entièrement et prit d'un pas résolu la direction de la baie de Meznyl.