Heureuses retrouvailles ? [Adalith & Rowane]

Par la Sainte Lumière, jamais plus je ne monterai sur un cheval ! jura intérieurement Faéranis.

Le rude voyage depuis Hindell lui avait pris plus de temps qu'il ne l'avait espéré. Sur son chemin, il ne lui était arrivé que des malheurs. A quelques kilomètres à peine de Dzrelfjen, il avait croisé une troupe de brigands, auxquels il avait heureusement pu échapper grâce à ce rapide pur-sang qu'il avait eu pour quelques pièces seulement. Le jour suivant, quand il avait dû traverser les montagnes pour passer à leur ouest, il avait dû rebrousser par trois fois chemin, les cols indiqués sur sa carte encombrés par cette fichue neige. Alors qu'il était encore à une demi journée à cheval de la capitale d'Aliagan, sa monture s'était écroulée, raide morte, apparemment victime d'une crise cardiaque, et il avait été éclairci sur son bien bas prix. Il avait donc achevé sa route à pieds, tout courbaturé qu'il était après sa chute de cheval.

Il était arrivé à Arvensis en fin d'après-midi, et, le temps qu'il arrive à la Citadelle, le soleil s'apprêtait déjà à se coucher.

J'espère que tout cela en vaudra la peine... se dit le Hindellien, dont la couleur de la cape de voyage était invisible sous la couche de poussière qui la recouvrait.

Il n'avait pas essuyé tant de mésaventures pour le plaisir !

- Serenes ? Vraiment ? J'espère que vous ne vous moquez pas de moi... lui cracha le garde en lui jetant un regard mauvais. Je vais prévenir le Mage de votre arrivée.

Quand Faéranis avait appris que son demi-frère avait été promu au rang de Mage d'Aliagan, il avait jubilé. Non pas de joie pour ce parent renié, mais plutôt parce que ça lui donnerait l'opportunité d'une petite visite dans le royaume. De plus, le dernier régent ayant disparu et Adalith occupant une place importante...

Fâtigué, il se serait bien assoupi s'il n'avait été obligé de rester debout, cet impoli de garde n'ayant pas daigné l'inviter à entrer.

Que la Lumière me préserve de tous ces affreux païens... pria l'évêque en prenant une grande inspiration.

Après avoir salué le roi, Adalith était sorti de la salle du trône accompagné de l’ambassadrice d’Aliagan dont il ne connaissait le magnifique nom que depuis quelques secondes : Rowane Oropher.

Tous deux avaient descendus les marches avec une élégance digne de leur rang. Une grâce naturelle émanait de la jeune Rowane, elle était douce et énigmatique.

Adalith devait se comporter agréablement avec sa nouvelle connaissance, il ne voulait pas se mettre une personne aussi charmante que haut placée à dos.

Arrivé devant les portes de la Citadelle, le garde qui l’avait informé de la venue de l’invité lui ouvrit les portes dans un sinistre grincement.

* Je ne vois que deux solutions, les seules personnes portant le même nom que moi sont mon père et mon demi-frère… * pensa amèrement Adalith.

Sous les yeux interloqués d’Adalith apparut son demi-frère, Faéranis.

La surprise fut grande, mais le Magicien d’Aliagan ne laissa rien paraître, il ne savait pas comment réagir face à ce retour de son frère… Finalement, après un bref instant d’hésitation, Adalith prit la parole :

- Mon cher Faéranis, qu’est ce qui t’amènes ici, dans la majestueuse Citadelle d’Aliagan ? Je ne m’attendais pas à ton retour après treize longues années d’absence…

Adalith était partagé, cette question avait été dite d’une voix mélangeant singulièrement froideur et une certaine joie.

Faéranis sourit, non pas qu'il fût heureux de revoir son demi-frère qu'il soupçonnait déjà de manigancer quelque chose, mais parce qu'il était bien plus proche du but qu'il n'aurait pu l'espérer. En effet, Adalith n'avait pas l'air prédisposé à l'envoyer paître. Ni à lui sauter dans les bras en pleurant de joie, d'ailleurs...

- Adalith, mon cher frère... commença-t-il en choisissant déjà ses prochains mots avec soin. J'ai appris que tu avais été promu premier mage d'Aliagan. Je n'y croyais pas vraiment, alors j'ai décidé de venir vérifier par moi-même. Je voulais te féliciter pour une si belle promotion.

Il prit alors le temps de le détailler de haut en bas.

- Tu n'as pas changé. Tu es toujours aussi... euh... continua-t-il en essayant de trouver un compliment convainquant, sachant toutefois que s'il ne disait pas la vérité il deviendrait rouge comme une tomate. (En croisant son regard bleu et vert lui vint enfin une idée, et il se mit à rire.) Asymétrique !

Faéranis porta alors son attention sur la jeune femme qui accompagnait son demi-frère.

- Bien le bonjour, Mademoiselle... lui dit-il en s'inclinant brièvement. Faéranis Serenes, enchanté de faire votre connaissance.

Silencieusement, Rowane avait suivi l'ange entre les deux frères. Aucun détail n'avait échappé à ses yeux noirs. L'étranger choisissait ses mots avec soin, comme s'il s'adressait à quelqu'un d'autre qu'une personne de son sang.

Faéranis, c'était ainsi que l'avait appelé Adalith.

°Prénom intéressant, s'il n'avait pas ce léger accent hindell, je n'aurais pas pu dire d'où il venait.°

Les rapports entre les deux hommes avaient l'air ambigus, entre froideur et joie. Surtout du côté du magicien d'Aliagan.

°Enfin, je ne vois pas comment deux frères dont l'un est Aliagan et l'autre Hindell pourraient être proches... Curieux mélange... Sans doute le parent Aliagan avait quelque chose de bon à trouver dans une pareille union... Il ne peut être autrement. Nous, les fiers Aliagans n'avons rien à voir avec ses brutes de Hindells. Quoique leur roi est très intéressant même s'il ne se différencie pas beaucoup de ses sujets par sa grande finesse...°

Le "compliment" du Hindell arracha un mince sourire à la jeune femme.

°Les gens de son peuple ont le chic pour trouver quelque chose de gentil à dire.°

Cela lui rappelait son amant d'ambassadeur.

°Où peut-être cet imbécile à cette heure-ci. J'espère tout de même qu'il n'a pas été tué.°

Cette pensée aimable surprit celle qui l'avait formulée. Après tout, elle n'avait que faire de lui. Ils s'étaient séparés. Fort mal d'ailleurs. Elle devrait plutôt souhaiter sa mort dans les plus atroces douleurs possibles.

Elle se tira de ses réflexions lorsque Faéranis s'adressa à elle. Lui aussi avait une belle voix et cela la mettait de fort bonne humeur. Et même si cela avait eu l'effet contraire, personne ne s'en serait rendu compte tant elle avait décidé d'afficher un air de bonté.

Je me nomme Rowane Oropher, ambassadrice d'Aliagan. Soyez le bienvenue sur nos terres.

Elle s'inclina bien poliment, ni trop bas ni pas assez, juste assez pour que l'homme comprenne qu'elle le respectait mais tout en lui faisant comprendre qu'ici, il était sur la terre des Aliagans.

Vous êtes un homme bien aimable de vous déplacer d'aussi loin pour féliciter votre frère. Mais la fonction qu'il occupe actuellement vaut bien cela.

°J'espère tout de même qu'il ne s'agit pas d'une fausse excuse... Ja ne voudrais pas voir Aliagan envahi comme l'a été Phaëris...°

Vous devez être exténué par le voyage. Désirez-vous vous restaurer, boire quelque chose ?

Jamais Rowane n'avait été aussi prévenante avec un étranger. Elle tenait vraiment à garder le plus longtemps possible son poste d'ambassadrice et cela devait commencer par l'accueil des étrangers sur les terres aliaganes puis par des voyages.

Adalith ne prit pas les félicitations de Faéranis pour ce qu’elles étaient. En effet, le fait que son demi-frère absent de treize ans réapparaisse juste après qu’Adanith aie été promu mage d’Aliagan tenait plus d’une action interessée que de la simple fierté pour un parent.

Apparemment, Faéranis n’aurait pas cru à la promotion de son demi-frère et serait venu vérifier, était-ce un prétexte pour arriver à des fins encore inconnue ?

- Douterais-tu de mes capacités ? Le magnifique royaume d’Aliagan ne choisit pourtant pas son Mage en jouant à pile ou face que je sache…

Asymétrique, Faéranis ne croyait pas si bien dire. Du pauvre petit garçon timide et renfermé, il était devenu un homme fantasque à la limite de l’exubérance. Cela, son demi-frère adoré ne le savait pas encore, il n’allait pas tarder à s’en rendre compte.

L’énigmatique Rowane avait été d’une bonté que Faéranis ne méritait peut-être pas mais après tout, son statut ne lui permettait pas de faire autrement. Elle avait invité le nouveau venu à se reposer ou encore se restaurer à l’intérieur de la Citadelle.

C’est alors qu'Adalith se rendit compte qu’il ne savait pas grand-chose de ce demi-frère réapparu…

- Et toi, mon cher, qu’as-tu fait de ta vie ? Je ne sais rien de ce que tu es devenu après ton départ, raconte nous.

(Euh Antho... Tu t'es planté de nom à ton avant-dernier paragraphe... ^^')

- Je suis trop fatigué pour cela, mon ami, répondit Faéranis d'un ton plus sec qu'il ne l'avait espéré à son demi-frère.

Par la Sainte Lumière ! réalisa soudain l'évêque. Maintenant que je suis ici, je ne sais vraiment plus comment m'y prendre... Serais-je intimidé ? Pourtant, ces deux-là n'ont rien de bien effrayant. Bien que cette Rowane ait l'air plutôt énigmatique... D'ailleurs, si elle est ambassadrice de cet athée d'endroit, elle ne doit pas avoir de sentiments aussi purs qu'elle ne le laisse paraître. Je pensais que je n'aurais à faire qu'à ce fichu Adalith, et maintenant je me découvre un ennemi potentiel de plus. Je dois me méfier.

- Ma Dame, reprit-il d'une voix soudainement mielleuse, ce serait un honneur pour moi de pouvoir me reposer un peu dans votre magnifique cité... J'ai traversé monts et vaux, champs et forêts, ponts et rivières pour arriver jusqu'ici ! Trois jours d'un voyage éreintant, agrémenté de trop nombreuse mésav...

Il s'avisa qu'il en avait trop dit, passionné qu'il était dans sa tirade : si Adalith, ou même Rowane, réfléchissait un peu, il pourrait en déduire que Faéranis venait de Dzrelfjen. Et l'évêque ne voulait pas leur révéler son jeu, du moins pas pour l'instant.

- Bref ! Je tombe de sommeil, et j'aurais besoin d'un bon bain chaud ! s'exclama-t-il en lança un regard noir au mage d'Aliagan.

Aussi expressive qu'une pierre tombale, Rowane suivit le court entretien entre les deux frères. Ils étaient réellement fascinants. Elle commençait à comprendre que les liens entre eux se limitaient un peu près au fait qu'ils avaient un parents en commun.

Le ton de la voix de Faéranis faillit arracher un large sourire à la jeune femme. Le coup de la voix mielleuse, on lui avait fait tant de fois qu'elle avait perdu le compte.

°Ainsi donc, il refuse de nous dire d'où il vient. Mais il n'y a pas beaucoup d'endroit à trois jours de cheval de notre belle capitale. Il en a déjà trop dit.°

Trois jours de cheval ont en effet dûs vous meurtrir le dos. Je vais commander aux serviteurs du palais de vous préparer la meilleure chambre pour que vous puissiez y reprendre des forces.

Elle s'approcha avec précaution du Hindell. Lentement, elle dirigea sa main vers le visage de l'étranger.

Vous avez les traits tirés, les épreuves que vous avez traversées semblent avoir marques votre visage.

Ses paroles étaient à peine audibles, une sorte de murmure. QUelque chsoe enhtre l'inquiétant et le charmeur.

Vous avez raison, un bon bain chaud ne pourrait que vous faire du bien.

Un sourire moqueur se cachait derrière cette phrase. Les odeurs que dégageaient Faéranis et son cheval étaient si semblables que cela agressait presque les délicates narines de la jeune femme.

°Je dois toujours avoir une de ces fioles de ce délicieux parfum dans ma poche. Je pourrais toujours m'en asperger si jamais cette senteur horrible me reste dans le nez.°

Elle sourit, fit un pas en arrière avant de faire signe à un serviteur qui trainait par-là.

Allez-donc préparer l'une des chambres du palais pour notre invité, il a l'air affreusement las de son voyage. Et tant que vous y êtes soyez adorable, préparez lui un bon bain chaud et versez ceci dedans.

Rapidement, Rowane tendit une des fioles de parfum qu'elle avait acheté peu de temps auparavant. Cela ne pouvait faire de mal à personne de sentir bon.

Sans trop rechigner, mais en lançant un regard fier à l'étranger, le serviteur aligan s'éloigna à petit pas.

Une fois que l'Aliagan eut disparu, l'ambassadrice se retourna vers Faéranis.

J'espère que vous apprécierez le parfum délicat que ce serviteur versera dans votre bain. Il s'agit d'une des meilleures création du parfumeur Erathor.

°Et sûrement l'une des plus onéreuse...°

-Bien, c’est comme tu veux, ne précipitons pas les choses…

Décidément, l’ambassadrice d’Aliagan jouait parfaitement son rôle, peut-être que Faéranis ne le méritait pas. Après leur échange de politesses et autres paroles on ne peut plus mielleuses, Faéranis s’en alla prendre un bon bain chaud, comme le disait la délicieuse Rowane.

* Faéranis n’a pas tellement changé, il est toujours aussi fin et son manque de tact apparent ne semble pas s’être dissipé avec les années.*

Après avoir vérifié que son demi-frère était bel et bien parti, Adalith dirigea toute son attention vers Rowane.

- Excusez moi de vous imposer ce parent arriviste, mademoiselle. Puisque nous sommes amenés à nous concerter pour le bien être de notre royaume et que je ne suis pas très expérimenté, j’aimerais vous poser une question. Quelle est la position du royaume d’Aliagan par rapport aux autres royaumes, compte t’il s’allier à un de ceux-ci ou rester indépendant et regarder les choses d’un œil objectif ?

Adalith marqua une pose et recommença à parler, mais d’une chose qui n’avait rien à voir avec sa question précédente, comme à son habitude.

- Au fait, mademoiselle Rowane, si un jour vous avez besoin de mes connaissances en herboristerie, je me ferai un plaisir de pouvoir vous aider. D’ailleurs, en ce moment, je fais pousser des solandra maxima on ne peut plus ravissantes.

Adalith avait tourné sur lui-même en prononçant la fin de cette dernière phrase, son côté fantasque débordant de tous les pores de sa peau. Après sa petite incartade, le mage d’Aliagan retrouva son sérieux et fixa attentivement Rowane.

Faéranis était parti. Calmement, Rowane avait suivi son départ de ses beaux yeux noirs. Qu'un Hindell vive dans le palais la rendait quelque peu nerveuse. Mais mieux valait qu'il soit ici plutôt qu'à l'extérieur de la citadelle. Ici, les espions aliagans pouvaient surveiller l'étranger et faire leur rapport à l'ambassadrice. A ce qu'elle savait, l'ancien ambassadeur avait des hommes de "confiance" dans le palais. De toute façon, si le Hindell faisait quoique ce soit qui lui déplaisait, elle s'occuperait de lui personnellement.

Sur cette pensée, ses mains frôlèrent son stylet toujours dissimulé dans les plis de sa robe.

Cela ne fait rien, monsieur. La famille est une valeur très importante même à Aliagan... Enfin, parfois, tant que les intérêt de l'État ne sont pas remis en jeu...

Adalith se posait donc des questions sur le royaume d'Aliagan, mais surtout sur sa position face aux autres royaumes. Le régent Kâhak aurait pu bien mieux répondre à ce genre de questions, mais ce n'était pas à lui mais à elle qu'Adalith faisait confiance. C'était là un bon point. Ce mage lui plaisait de plus en plus.

Aliagan ne trouve aucun intérêt à entrer ouvertement en conflit avec les autres royaumes. N'oublions pas que ce qui fait le bonheur de notre peuple vient du commerce. Nous ne pouvons nous engager entièrement avec un royaume sans que nous soyons certains de sa toute puissance sur les autres. Notre richesse dépend de celle des autres royaumes.

Lorsque le mage se remit à parler, ce fut pour converser d'une chose qui n'avait plus rien à voir avec la précédente.

Vos connaissances me seront sans doute très précieuses. Je me méfie souvent de ce qui peut se trouver dans mon verre ou mes aliments. Un peu de poison se glisse si facilement dans la nourriture...

°Des solandra maxima ? Qu'est-ce que cette plante ? Je ferais mieux de rapidement me renseigner là-dessus. La bibliothèque du palais me servira sûrement dans cette quête.°

Elle ne voulait pas demander au mage de quoi il s'agissait. Elle était un peu trop fière pour ça.

°Enfin bref passons.°

Adalith était quelqu'un d'intrigant. Parfois fantasque, parfois sérieux, totalement intéressant.

N'hésitez pas à me poser toutes les questions qui vous passent par la tête. Mieux vaut le faire maintenant que lorsque nous nous trouverons face à des ambassadeurs étrangers.

Avec une certaine grâce, Rowane se passa une main dans les cheveux. Il aurait fallu qu'elle les recoiffe, mais le moment n'était pas à la coquetterie.

* La famille, encore une notion on ne peut plus floue. Comment parler de famille si deux personnes inconnues l’une de l’autre s’entendent mieux que deux demi-frères dont une partie de leur sang est commune?*

Adalith écouta les réponses de Rowane les unes après les autres et en apprit beaucoup. En effet, ce n’était pas l’expérience en tant que mage d’Aliagan qui l’étouffait… Il valait donc mieux rester neutre pour conserver les accords commerciaux avec les royaumes voisins.

Rowane avait flatté Adalith en lui répondant que ses connaissances en herboristerie lui serait utiles. Le jeune mage était on ne peut plus heureux, enfin quelqu’un qui semblait l’apprécier. Lorsque l’ambassadrice fit comprendre à Adalith qu’elle était d’accord de répondre à toutes ces questions, les interrogations de celui-ci ne se firent pas attendre longtemps.

- Et bien, je me demandais quel était le point de vue de notre royaume par rapport à la guerre entre Hindell et Phaeris. Je suppose que vous devez avoir votre propre avis sur la question et j’aimerai sincèrement le connaître.

Adalith marqua une pose avant de recommencer.

- De plus, je suppose que le jeune âge de notre roi en a fait jaser plus d’un.

Le garçon cacha un bref sourire derrière un mouvement de la main mais un ricanement qu’il n’avait pu retenir le trahit.

Lorsque Rowane avait dit qu’ils seraient amenés à parlementer tous les deux avec des ambassadeurs étrangers , cela étonna le jeune mage.

-Et bien… je ne savais pas que je devais vous accompagner à l’étranger mais cette nouvelle me ravit au plus au point. D’ailleurs, je comblerai mon manque d’expérience en vous accompagnant. Pour tout vous dire, vous m’inspirez confiance.

Adalith replaça sa cape et remit sa longue robe noire en place.

- Justement, quelle est votre prochaine destination ?

°Mon point de vue sur cette guerre ? Ce mage s'intéresse vraiment de très près aux affaires du royaume. Ce n'est pas un mal, cela nous change...°

Je n'aimait pas le roi Rakinn, sa mort ne m'a absolument pas touché. Je voudrais que ce sort soit celui de tout ceux qui osent lire de force dans l'âme des autres.

Faire preuve de franchise n'était pas vraiment habituel chez Rowane. Pourtant, même pour elle, mentir sur ses sentiments envers l'ancien roi de Phaeris était trop intolérable.

Notre royaume entretiendra de bonnes relations commerciales avec Hindell tant que leur roi se décide à ne pas nous attaquer. Ce qu'il fait aux autres royaumes ne nous émeut guère, tant que l'économie n'en souffre pas. Le commerce et le bien de notre peuple comptent avant tout autre choses.

Elle l'attendait, cette question sur Trinir. Elle leva le nez et jeta un coup d'oeil absent dans un coin sombre. Il lui avait semblé voir bouger quelque chose.

°Un espion ? Peut-être... Après tout, aucun Aliagan n'apprécie réellement cet enfant. Mais je ne peux dévoiler mes véritables pensées à Adalith. Nous ne sommes pas encore assez proches. Il pourrait être à la solde de ce jeune bâtard.°

Le roi n'a aucun pouvoir et c'est mieux ainsi. Ce n'est qu'un enfant. Nous verrons une fois qu'il sera adulte...

Le bref sourire d'Adalith ne lui avait pas échappé.Elle avait toujours observé avec beaucoup de talent les autres.

Elle le laissa parler un instant puis poursuivit :

Nous partirons pour Phaeris... Je pensais partir dans la semaine...

°Ainsi donc je lui inspire confiance... Il devrait tout de même faire attention, un Aliagan ne doit jamais faire confiance à quelqu'un d'autre que lui-même.°

Autant la sublime Rowane était plutôt sympathique avec le jeune mage d’Aliagan, autant les dernières phrases qu’elle avait prononcées avaient fait découvrir à Adalith la froideur de l’ambassadrice envers le défunt roi Rakinn.

* Décidément, c’est encore pire que ce que je pensais. Il va falloir que je méfie, on ne se fait vraiment pas de cadeaux entres personnes haut placées. Enfin bon, je ne pense pas m’être trompé sur le compte de Rowane, elle a l’air d’être une personne de confiance.*

Le jeune garçon réfléchit un instant avant de recommencer à imaginer des hypothèses douteuses.

* Bizarre… je ne sais plus exactement depuis combien de temps ce môme est roi mais je suppose que plusieurs personnes ont déjà penser à éjecter cet indésirable du trône. Enfin bon, cela m’importe peu…*

- Et bien, je suis très heureux de vous accompagner à Phaéris, je serai prêt dès que vous vous serez décidée.

Hj : je sais pas comment expliquer le départ de Faéranis EJ ^^’

Adalith semblait troublé. L'ambassadrice savait à quel point les mots pouvaient se révéler une arme dangeureuse. Avait-elle fait une erreur en parlant ainsi de Rakinn et du jeune Trinir ? Elle ne le pensait pas. Aucun Aliagan n'aimait (ou n'avait aimé) réellement ces deux hommes.DE toute façon, le sort de Phaëris leur était bien indifférent. Que ce royaume soit aux mains des Hindells ou de leur propre peuple, ça ne changeait rien pour Aliagan. Tant que l'argent coulait à flot, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

°Il me faudrait une vraie escorte pour m'accompagner à Phaëris. Un royaume "en guerre" n'est jamais très sûr. Partir seule avec Adalith serait bien trop risqué. Il nous faudrait des gardes ou d'autres mages. Surtout des mages. Cette histoire de fuite de la magie ne peut être réglée que par eux.°

D'abord, cherchons nous des compagnons de route. Ensuite, il nous faudra nous procurer des chevaux. Il nous faudra bien les choisir, je n'ai aucune envie qu'ils nous meurent entre les jambes avant que nous ne soyons arrivés à destination.

Soudain, elle se souvint de Faéranis. Un Hindell dans le palais, ça faisait désordre, l'emmener serait la meilleure solution.

Votre frère se joindra-t-il à notre voyage ?

Adalith écouta attentivement les paroles de la jeune ambassadrice qui finirent pas le convaincre que le voyage à Phaeris allait être plus dangereux qu’il ne l’aurait espéré.

* Se sera mon premier voyage en tant que magicien d’Aliagan, il vaut mieux que je ne me fasse pas remarquer par mes excentricités…*

- Pour ce qui est des chevaux, je n’y connais pas grand-chose et pour les accompagnants, je veux bien vous prêter main forte. Néanmoins, je ne sais pas si, vu mon manque d’expérience, je saurai reconnaître les personnes de confiance.

Adalith s’était lissé les cheveux avec la main pendant sa réponse mais stoppa net cette activité hautement intéressante lorsque Rowane remit sur le tapis le demi-frère du mage. En effet, suite à l’évocation du prénom de l’arriviste, Adalith prit une mine plus sombre.

- Et bien, non, je ne pense pas que se soit une bonne idée. Nous ne pouvons pas nous permettre de s’engager dans un voyage avec une personne dont on ne connaît pas vraiment les intentions. Tout à l’heure, il n’a rien voulu nous dire de sa vie et cela ne m’a clairement pas inspiré confiance. Après quinze ans d’absence, les personnes changent et je préfère ne pas prendre de risque. Comprenez moi, je ne veux pas que vous pensiez que je n’ai pas le sens de la famille.

Adalith devint soudain plus narquois, plus perfide et incisif mais néanmoins poli, il en voulait à son demi-frère de l’avoir rejeté pendant toute sa vie mais Rowane ne méritait pas sa mauvaise humeur…

- Malgré tout, je ne vais pas le jeter comme un malpropre, je vais tout de même lui laisser prendre son bain. Ainsi, il gardera au moins un bon souvenir de la Citadelle d’Aliagan. Je vais charger un garde de le reconduire à la sortie et, si mon frère pose des questions, il n’aura qu’à lui dire que nous sommes partis en voyage dans l’intérêt de notre royaume, je ne vois pas l’utilité de lui en dire plus. Avez-vous une objection ? Je sais que votre rôle d'ambassadrice vous tient à coeur mais c'est avant tout une décision à prendre pour la sécurité de notre magnifique royaume.

Adalith reprit ensuite son attitude plus insouciante, fraîche et légère.

- Au fait, pourquoi partons-nous à Phaeris exactement, comptez-vous rencontrer le roi de Hindell ?

Rowane hocha doucement de la tête lorsqu'Adalith commença à parler. Il avait l'air bien moins sûr de lui que le mage de la cour qui l'avait précédé. Ce la ne pourrait pas lui faire de mal, il vivrait sûrement plus longtemps. Le puits du jardin de la citadelle, à trop cacher les cadavres, allait finir par dégager une odeur trop désagréable...

Je ne connais pas grand chose non plus aux chevaux, mais ma famille à des fournisseurs dignes de confiance. Mais il nous faudra tout de même faire preuve d'une certaine vigilance...

Elle fit une courte pause, prenant le temps de passer une main légère dans ses longs cheveux blonds, puis poursuivit.

Je vous compte déjà parmi les participants à cette "expédition" à Phaëris. Je suis certaine que vous saurez reconnaître ceux qui sont dignes de confiance de ceux qui ne le sont pas. Mais, je préfère tout de même choisir moi-même les hommes et femmes qui feront parti de notre suite.

Etrangement, Adalith fit grise mine à l'évocation de son frère. Il y avait quelque chose entre les deux hommes qui échappait encore à l'ambassadrice. Elle n'aimait pas savoir qu'un Hindell, ne s'entendant pas très bien avec son demi-frère aliagan, se baladait dans la citadelle. Enfin, ce n'était pas comme si le palais était vide. Il y avait toujours des gardes, des espions et des pique-assiettes qui tenaient tant à leur position qu'ils ne risquaient pas de laisser un Hindell semer la zizanie chez eux.

Elle laissa le mage s'exprimer librement. Lui non plus ne faisait pas confiance aux Hindells même si l'un d'entre eux était son frère.

Connaître les intentions profondes d'une personne apporte une certaine sécurité. Cela est certain. Mais n'oublions pas qui nous sommes. Nous sommes des Aliagans, nous avons sur tous les autres peuples un net avantage : nous avons un cerveau qui fonctionne bien. Le sens du marchandage et de la roublardise coule dans nos veines. Dix Hindells meurent en voyage de trahisons là où un seul des nôtres trouvent la mort.

Elle ne put masquer un superbe sourire de satisfaction. Elle était fière de son royaume comme s'il lui appartenait tout entier. Son patriotisme n'était devenu que plus fort à partir du moment où le régent avait reconnu ses très grande qualités en temps que représentante d'Aliagan.

°Enfin, j'aurais pu faire bien mieux. J'avais même réussi à me fâcher avec le dernier roi de Phaëris. Enfin tout cela appartient au passé. Voilà qu'une ère nouvelle s'ouvre devant nous. Tentons de nous montrer aussi malins qu'auparavant.°

Elle étira ses lèvres en un sourire faussement compréhensif. Il était si bien imité que personne n'aurait pu voir la différence d'avec un vrai. Personnellement, la jeune femme n'était pas très attachée aux valeurs familiales. C'était une perte de temps monstrueuse de réellement bien s'entendre avec tous les membres de sa famille. Mieux valait faire semblant de les estimer lorsqu'on avait besoin d'eux et rendre quelques petits services afin de les gagner à sa cause.

Le mage avait changé de ton. Rowane entrevoyait un aspect du jeune homme qui lui disait qu'il ne fallait mieux pas lui chercher des poux. Elle avait correctement reçu le message et agirait toujours avec une extrême précaution à son égard.

Je n'ai aucune objection. Vous êtes quelqu'un de prudent, cela me plait.

Il n'y avait rien de plus à ajouter. ELle répondit donc à la question d'Adalith.

En effet, je compte rencontrer le roi de Hindell afin de savoir ce que cette annexion de Phaëris va changer entre nos royaumes. Je ne voudrais pas que le puissant Draggan oublie que c'est nous et non pas lui qui contrôle les échanges de marchandises entre les royaumes.

Elle redressa un peu le menton et tourna son regard vers une porte.

Nous ferions mieux de sortir de la citadelle dès maintenant afin d'aller chercher quelques compagnons de voyage. Si je me souviens bien, on m'a parlé d'un mage qui habiterait à Arvensis. Je ne le connais pas personnellement, mais il pourrait toujours nous être utile.


Sur ce, elle fixa de ses beaux yeux noirs Adalith, attendant des questions s'il en avait.

Adalith écouta avec patience les multiples réponses de sa collègue sans pour autant réagir à l’une d’elle.

La jeune et belle ambassadrice d’Aliagan semblait très fier de son royaume et n’hésitait guère à en vanter les nombreux mérites, n’en déplaisent aux au peuple d’Hindell l’infinie.

Lorsque l’envoûtante Rowane répondit à Adalith qu’elle n’avait absolument aucune objection à la décision du jeune magicien, celui-ci poussa intérieurement un grand « ouf » de soulagement.

Ses sentiments avaient quelque peu dépassé sa raison et il n’aurait clairement pas voulu se mettre mademoiselle Oropher à dos…

* Elle a bien raison, il ne faudrait pas les illuminés d’Hindell se croient supérieur aux habitants rusés du majestueux royaume d’Aliagan.*

-Arvensis, dites-vous. Et bien, je vous suis ma chère.

Malgré son haut rang et son importance dans le royaume d’Aliagan, ses responsabilités n’avaient pas rendus Adalith plus conforme. En effet, celui-ci avait prononcé sa dernière phrase en sautillant, plein d’entrain.

Après quelques secondes de cette attitude infantile, le magicien d’Aliagan se rappela du fait que le voyage qu’il allait faire avec Rowane n’allait pas être des plus paisibles et qu’il devra faire attention à lui.

Mais Adalith était confiant, il savait que tout se passerait bien, il le sentait. Tout du moins, il essayait de s’en convaincre en faisant appel à la source de ses capacités, de manière quasi inaudible :

- Que la nature nous protège…

Accompagnée d'Adalith, Rowane quitta la citadelle d'Aliagan afin de trouver ce mage dont on lui avait quelque peu parlé. Elle n'étais pas de nature très confiante, mais ils n'avaient aucun intérêt de partir seulement à deux.

°Les mages ont souvent le mérite de mourir dans les premiers lors de longs voyages. Sans le vouloir, ils protègent le reste de la troupe. Cet homme qui m'est encore inconnu pourra toujours nous servir de chair à canon lors de batailles... ou nous pourrons toujours l'utiliser pour nourrir des créatures si elles en ont après nous.°

L'air fier sans être pour autant hautain, Rowane leva bien haut le menton lorsqu'elle passa devant un groupe de gardes.

°Un jour, mon nom entrera dans les livres d'histoire !°